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Tuesday, July 2, 2013

Kamzaka, enfants de la rue de Ouagadougou au quotidien

Comme cela fait un moment, parlons boulot et quotidien!

Enfants du quartier (Marcoussi)
A Kamzaka, mon association d’accueil, les choses avancent de plus en plus. Comme je le dis plus haut dans un de mes articles, je suis arrivée en pleine crise, le centre ayant perdu un de ses plus gros partenaires financier. Ce partenaire est tout ce qu’un humanitaire sensé peut détester : un groupe de bons blancs, (anciens stewards et hôtesses de la plus grande compagnie aérienne française) décide de donner son argent en Afrique ... Mais attention ! A la blanche ! On ne vient qu’une fois par an au centre pour critiquer les locaux et les enfants, on ne s’intéresse surtout pas à la culture locale (çà les ennuie sûrement), et on ne s’écoute que soi-même. 
Parfait dans l’humanitaire, où l’interculturalité prend toute sa dimension ! 
Quand le centre demande certains moyens pour arriver à remplir les tâches de la convention, on lui demande de se débrouiller, tout en refusant les délais trop longs ... Pourtant, internet hors des cybers ici, ben, ca coûte un bras ! Et ils ne demandent qu’une clé internet pour tout le centre (10 000 FCFA soit 15 euros par mois) pour atteindre des objectifs monstres imposés par ce partenaire. Bref, comme nos amis les stewards n’aiment pas ça, ils décident de rompre la convention du jour au lendemain, fin février, après que tous les budgets de tous les autres partenaires potentiels soient clos puisque cela se fait en janvier ... Et la convention stipule que cela doit être fait avant la fin du mois de novembre qui précède... On s’en fout, c’est que des gosses des rues, on est déjà sympas de les aider !! Arghhhhhhhhhhhhhh !
Je suis donc arrivée au milieu de ce remue-ménage avec ma toute petite petite formation.

Voilà donc plusieurs mois que je suis plongée dans le dossier, et que mon poste de recherche de partenaires financiers et techniques prend toute sa dimension. Envoi de dossiers de demandes de subventions dans tous les coins, appels d’offres à gogo, rendez-vous dans tous les bureaux des grosses ONG, de l’ONU et de l’UE et dans les ministères.

Hyacinthe
Il m’a aussi fallu élaborer un budget par enfant pour faire des demandes au niveau des différents partenaires nous ayant confié des enfants. Chacun doit mettre la main à la patte à la hauteur de ses finances qui ne sont pas au top avec la crise de l’euro qui a un impact très important au niveau local, s’ajoutant à la crise malienne qui a cassé les finances du pays et de la population.

De bureau en bureau, de courbette en courbette, de sourire en sourire, les portes s’ouvrent, les solutions se dessinent : nous avons eu un don en nourriture impressionnant dans le cadre de la Semaine des Solidarités de la part de la Société Générale (oui oui la banque !...), notre dossier à l’Unicef est en bonne voie, les partenaires nous prêtent main forte en participant au cas par cas pour chaque enfant placé chez nous en fonction du budget que nous leur avons fourni ... Chacun donne un peu, même si tous les budgets sont serrés. Je vous assure, la solidarité existe encore !

Nous avons aussi pris la décision de remettre tous les enfants dans leurs familles durant la période des vacances pour soulager les finances du centre, mais aussi et surtout, puisque c’est le moto de la structure, pour leur permettre un renouement familial essentiel à leur reconstruction et à leur avenir, puisque notre but est la négociation familiale puis la réinsertion. Les jeunes sont ravis et se préparent déjà. Certains seront réinsérés définitivement et feront leur rentrée scolaire auprès des leurs, d’autres dont les cas sont beaucoup plus compliqués (nous n’avons pas retrouvé la famille, ou bien ils sont orphelins ou encore handicapés et nécessitent un accompagnement spécialisé) reviendront en septembre pour réattaquer l’année.
Les jeunes accueillis au centre ont tous une histoire à faire frissonner, et pourtant ils sont là, malgré tout, à lutter pour leur futur, à essayer de comprendre des mécanismes familiaux, psychologiques, sociaux, hors de la portée de quelqu’un de leur âge. Beaucoup de questions sur leur passé, mais plus particulièrement sur la cause. Pourquoi mes parents ont-ils fait ca ? Suis-je prêt à leur pardonner ? A revenir en famille ? Pourquoi dois-je me construire un avenir, si de toutes manières il n’y en avait déjà pas au départ ? Pourquoi étudier si de toute façon, on ne me laissera aucune chance puisque je ne suis rien dans la société ?

Parfois, certains décident de repartir dans la rue, sur un coup de tête, parce que quoiqu’on en dise, même s’ils paraissent bien plus que leur âge, ils restent des enfants, capables de prendre des décisions irrationnelles, à un moment donné. Depuis mon arrivée, 2 enfants sont partis sans revenir. L’un est à nouveau dans la rue, bien que surveillé de loin, l’autre a été récupéré et sera replacé dans sa famille par l’un de nos partenaires dans les semaines à venir. Les raisons ? Pour l’un, la finale de la Coupe d’Afrique en février, et le retour des Etalons (l’équipe du Burkina) à Ouaga : il voulait les voir et s’est à nouveau fait happer par son ancienne vie. Pour l’autre, le FESPACO (Festival du Film Africain dont Ouaga est la capitale et qui se déroule tous les deux ans ici, un peu comme Cannes pour vous faire une idée) : il voulait voir les acteurs de ses yeux et n’est pas revenu...

Malgré tout, beaucoup de réussites au tableau : les 6 enfants de CM2 inscrits au CEP (Certificat d’Etudes Primaires) qui permet de passer en 6ème (un examen aussi difficile voire plus que le BEPC de fin de 3ème) ont réussi l’examen avec brio et seront donc admis l’an prochain au collège. Et tous sauf un passent au niveau supérieur pour l’année qui vient. L’un des plus vieux (23 ans), quant à lui, termine sa formation en froid et climatisation dans quelques semaines et le don spontané de la part du village en Allemagne d’une de mes amies (merci Christiane et merci à ta soeur !) va nous permettre de financer son installation : il va travailler et habiter seul, l’indépendance !

Sortie à Bangr Weogo, le repas de rois
Parfois, les choses dérapent et la rue refait surface : deux des enfants ayant réussi leur examen de CEP ont été invités la semaine passée à un mariage dans le quartier par des camarades de classe. On leur a payé à manger, à boire, etc. Au moment de repartir au centre, ils sortent et trouvent la voiture de la mariée ouverte... Son sac à main sur la banquette. Sans réfléchir aux conséquences, les voilà partis avec le sac : ils y ont volé ses deux portables et 5000 F (ce qui est une somme très importante ici !), laissant le sac abandonné dans un 6 mètres (on appelle comme ca les rues ici). Mais une vieille femme les a vus et a averti les gens du mariage ... 50 personnes ou plus ont donc débarqué au centre, bâtons, barres de fer à la main, hurlant qu’ils vont brûler le centre, surexcités. L’éducateur présent, ne comprenant pas toute la situation et cherchant à protéger les enfants, s’est donc interposé entre les protestataires et les enfants, tentant de calmer les esprits et d’éviter la catastrophe : ici, si tu voles et qu’on te trouve, on te frappe jusqu’à te tuer, que tu sois mineur ou majeur... C’est lui qu’ils ont donc pris pour cible, le frappant au visage. Heureusement, un homme plus calme que les autres a réussi à calmer l’assemblée. Les enfants, qui avaient confié les portables à un troisième, se sont finalement résignés à les rendre, se rendant compte de la situation... un peu tard ! Les 5000F, quant à eux, avaient disparu et les éducateurs se sont cotisés pour les rendre, jurant que cela venait des enfants. Ouf ! Ils ont fini par repartir, et les choses ont pu être réglées au sein du centre sans dégâts. Afin de leur faire prendre conscience de la gravité de leur acte, les éducateurs ont décidé de demander à leurs familles respectives de payer 2500F chacune pour rembourser. La honte face à la famille qui doit subir leurs actes alors qu’ils savent pertinemment leur situation financière leur sert de leçon. A voir !
Bref, rien n’est facile, rien n’est gagné, mais l’espoir est toujours là et avec beaucoup de patience et de courage, les choses avancent et les comportements changent.

Adiara, éducatrice
Il y a deux semaines, malgré le manque de fonds, j’ai remué les troupes et créé un budget pour une sortie au parc Bangr Weogo (le plus grand parc de la ville, une forêt de brousse en ville !). Il a été accepté par un de nos partenaires, et nous avons pu y emmener les enfants pour un pique-nique géant sous les arbres, avec riz gras, boissons gazeuses (« sucreries » ici ^^) et poulet (un met extrêmement rare dans les assiettes burkinabè car extrêmement cher). On a chanté, joué de la musique, fait des jeux de groupe, et une belle ballade. Bref, de bons souvenirs et des enfants ravis ! Ca remonte le moral et donne la pêche pour avancer !
Niveau projets, nous avons de nombreux dossiers en cours, et je tente de m’activer rapidement pour avoir tout terminé avant la fin de mon stage ! Pour faire court : construction d’un dispensaire pour les enfants et les habitants du quartier avec laboratoire, dépôt pharmaceutique et salle de soins et construction d’un centre de formation de football et centre culturel parmi d’autres. Je bosse dur pour tout réussir, mais c’est vraiment difficile quand on est livré à soi-même pour élaborer un projet de A à Z. Visites, rendez-vous administratifs, recherches à la mairie et la bibliothèque ... C’est très formateur mais plutôt stressant parfois.
Au quotidien, tout se passe bien, et je m’organise plutôt comme je veux même s’il y a beaucoup de boulot ! Matin : 9 :30-12 :30 et après-midi : 13 :00-16/17 :00 avec repas de midi avec les enfants au réfectoire. Ils se sont vraiment habitués à moi et moi à eux, c’est comme une grande famille, avec les sessions jeux après-manger (dames et Uno) et la série « Daniela », série à l’eau de rose sud américaine autorisée par la Commission de contrôle du gouvernement du Burkina Faso.

Sinon, pour ce qui est du transport, depuis que j’ai la moto, les trajets se font vraiment plus faciles et le temps s’est raccourci ce qui me permet de faire plein de choses en plus sans penser à comment je vais trouver un taxi ou quelqu’un pour me ramener. Surtout n’ayez pas peur, je me débrouille très bien et j’ai appris le fonctionnement des vitesses et tutti quanti très rapidement ! Il faut s’habituer à chaque engin sur lequel on monte, mais dans l’ensemble je suis plutôt fière de moi. Parfois quelques petites frayeurs, mais aucun incident majeur à déclarer. Petite anecdote rigolote : j’ai failli me faire renverser par ... Une marmite !!
hier matin. Je roulais tranquillement sur le goudron en centre-ville et je m’apprêtais à doubler (par la droite, c’est comme ca ici !) un taxi-moto (moto à trois roues) qui circulait avec son immense tas de marmites habituel (on se demande toujours comment ca peut tenir ...), mais là, l’une d’entre elles à décidé de se lancer à l’aventure et a dévalé le tas pour rebondir avec fracas sur la route et traverser jusqu’au bord. J’ai à peine eu le temps de freiner et de faire un dérapage pour l’éviter, et elle m’a frôlé la jambe de justesse. Ouf ! Quelques mètres avant et c’était ma tête qui amortissait sa chute ! Plus de peur que de mal, et des moqueries de la part de mes amis qui m’assurent que cela ne peut arriver qu’à moi ... Merci les copains ! :D

Voili voilou pour aujourd’hui, à très très bientôt pour raconter mes aventures à Nazinga, et ... le paludisme qui m’a poussée aux portes de la mort... 
Nindiaré ! (à plus tard !)

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