Translate

Wednesday, October 9, 2013

Le train Ouagadougou-Abidjan, 36h de découvertes et de rencontres

Départ de Ouaga, par la fenêtre
Difficile à décrire, les sensations de ce voyage à travers tout le Burkina et d’un bout à l’autre de la Côte d’Ivoire. 
Paysages depuis la porte du train
C’est tout d’abord des gens, beaucoup de gens. Ce sont les familles, qui ont préparé des victuailles pour toute la marmaille, les femmes cuisinant dans le train. Ce sont les films burkinabè dont l’humour ne s’approche en rien du notre, joués sur des plans statiques face à la caméra. C’est la voiture-bar, jouxtée à notre wagon, remplis d’hommes et de jeunes femmes qui remédient à leur soif par des tournées générales à répétitions. Ce sont nos voisins, qui font tous connaissances. C’est aussi la solidarité.
Puis il y a aussi les vendeurs/vendeuses à chaque arrêt en gare, proposant des produits du coin, fruits bizarres en tous genres, gâteaux, jus, sucreries (sodas), cigarettes, mais aussi toutes sortes d’objets « utiles », chinoiseries et autres.

Paysages depuis la porte du train
Les portes donnant sur l’extérieur ne sont jamais fermées. Un garde sur sa chaise en plastique ou sa caisse en bois les surveille, échangeant avec son collègue contrôleur. Nous avons pu y retrouver Abou, avec qui nous passons une partie du trajet assis entre 4 portes, cheveux au vent, perdus au milieu de nulle part, au son des broussailles abondante qui frottent la carrosserie et laissent des feuilles à nos pieds sur le passage. Les paysages sont à couper le souffle. Parfois un groupe d’enfants se met à courir à nos trousses, criant « bouteilles, bouteilles, bouteilles ... » sur des kilomètres, jusqu’à ce que quelqu’un décide enfin de lacer sa bouteille vide par la fenêtre. Ils s’en emparent et arrêtent enfin de courir. Les femmes, un panier rempli de nourriture prend le relais à la gare suivante.

Le trajet c’est aussi la frontière, à 2h du matin, après avoir partagé bouteille de rouge premier prix vendue au bar sur bouteille de vin rouge. Ce sont ces familles, assises sur des nattes au milieu des rails durant plusieurs heures, dans l’espoir d’obtenir le droit de passer. C’est aussi cette file indienne que nous suivons hors du train, après que l’on nous ait retiré nos passeports dans les wagons.
Ambiance au bar du train (3h00 du matin)
« On va où ? Ils vont nous les rendre ? » sont les questions qui traversent nos esprit embrumés par le mauvais vin.

Assis les uns sur les autres sous une paillote de moins d’un mètre de hauteur, recouverte de palmes, en pleine nuit, nous attendons nos tampons.
Un officier s’approche, tirant une chaise qui lui sert ensuite de bureau pour tremper son tampon dans l’encre et crier les noms inscrits sur les passeports. Ouf ! Etape passée après 1h30 d’attente !

Réflexion ...
On remonte dans le train, laissant sur les rails ces dizaines de personnes qui devront attendre le prochain train pour imaginer passer la frontière... C’est le cœur lourd que nous les regardons s’éloigner et se transformer en ombres à la lueur des rares lampes de la gare.

Entre pauses dodos au son des amplis mal réglées crachant les dialogues des séries à l’eau de rose burkinabè et fête à 25 dans un wagon-bar de la taille d’une Clio, nous finissons par atteindre, enfin, Abidjan !!! Avec seulement 2h de retard ! Yes ! Après avoir salué tous ces gens rencontrés au fil des pauses sur les quais, des repas et des bières partagés, nous prenons le taxi en compagnie de Abou, qui nous aide à rejoindre notre point de rendez-vous avec Clémentine, collègue du master de Chambéry qui effectue son stage ici. Elle prend ensuite la relève, et nous emmène jusque chez elle, dans un quartier populaire de la ville.

Nous échangeons autour de quelques bières avant d’aller nous affaler dans le lit pour récupérer. Les 10 jours sur place s’annoncent bien ! :)

Compagnon de voyage
(à suivre...)

Un départ pour la Côte d’Ivoire plein de rebondissements!

Après plusieurs mois d’absence et de mouvements internationaux, me voilà à nouveau face à l’écran pour vous faire partager un quotidien d’autre bout du monde. Non non, le palu n'a pas eu raison de moi!!

Après quelques épisodes difficiles pouvant bouleverser une vie, une petite escapade s’imposait en ce chaud mois de juin.

Notre train en gare d'Abidjan
Nous voilà donc partis, Clément, un autre expat' perdu au fin fond de l’Afrique et moi-même pour un voyage inoubliable en plein coeur de l’Afrique de l’Ouest.
Tout d’abord, remettons un peu d’ordre. Il nous a fallu passer par la case visas, qui n’est pas la moins ardue des étapes !

Première étape : trouver le « service passeport » comme ils l’appellent ici. « Le service quoi ? », « Connais pas ! », étaient les réponses que nous avons reçu le premier jour en parcourant les rues de Ouaga sur ma moto après avoir compris plus ou moins dans quelle partie (Gonghin) de la ville il se trouvait ... Durant ce trajet infernal et interminable que nous voulions terminer avant la fermeture des administrations burkinabè, l’épisode « photos d’identité » ... Une prise de bec haute en couleurs avec le Môsieur des photos, qui veut nous faire payer ... fois le prix réel !! Ras-le-bol d’être les « blancs de service ». Après être sortis rouges de fureur et ... sans photos de ce labo, nous enfourchons à nouveau notre bécane, et essayons d’autres possibilités. Enfin ! C’est fait !

Sous un soleil de plomb, nous trouvons enfin ce satané service. Mais rien n’est gagné pour autant ! Aurions-nous oublié les méandres administratives, traces de notre colonialisme occidentalisant à moitié fait ? Il faut tout d’abord passer par la secrétaire monocorde, comme un enregistreur rayé, qui répond à toute question par « attendez dehors ! ». « Mais Madame ... Suis-je au bon service ? » (... silence...) « attendez dehors ! ». Tout çà, pour que une demi heure plus tard, on nous apprenne que ... Ce n’est pas le bon service ! Gé-nial !
Allez hop ! C’est reparti ! Ah ... Les bureaux ont fermé ... « Fallait vous renseigner plus tôt ! »... Nous rentrons donc bredouilles ...

Deuxième étape : Retour le lundi (eh oui, c’était vendredi !), armés de courage et de volonté !
Et il en fallait ! Lorsque nous pénétrons dans la salle réservée aux visas, où des grilles séparent les bureaux de l’entrée aux murs bleus, l’homme en charge de nous recevoir ... A les blancs en horreur, surtout ... S’ils sont français ! C’est bien notre veine ! Nous faisons d’abord comme si nous ne l’avions pas remarqué, mais les choses s’enveniment vite : il m’envoie en vadrouille aux 4 coins de la ville pour des photos, pendant qu’il insulte Clément qui peine à garder son calme, utilisant des termes allant de « colonisateurs », à « c’est difficile d’obtenir un visa pour chez vous, donc je vais vous rendre difficile l’obtention du votre ». A mon retour : « c’est trop tard, nous avons fermé la caisse ! ». 
La moutarde nous monte au nez ! Il faut arrêter de nous faire tourner en bourrique ! On veut bien passer par certains préjugés, mais il arrive un moment où il faut arrêter ! Après avoir crié dans la salle que c’est du racisme (chose à laquelle on me répond « ahahaha ! ca n’existe pas les racistes noirs ! »), et par refuser de quitter les lieux sans avoir de garantie d’obtenir les visas avant notre départ (trois jours plus tard), le chef finit par arriver et me convaincre de repasser le lendemain, que tout serait arrangé.

Troisième étape : Le mardi ! Après le travail, nous courons au service pour pouvoir y déposer enfin notre demande. Le directeur, devant ses collègues, a décidé subitement de prendre la « défense » de son salarié. Il se met alors à nous aboyer dessus, à nous dire que nous ne l’aurons pas, que les blancs ne commandent pas, etc.

Au sortir de la salle, où le chargé des passeports ricane suite à la prise de position de son supérieur, nous voilà face à un dilemme : suivre le chemin de la « légalité », ou bien faire marcher notre réseau et passer par la « hérarchie supérieure »... A vomir ... Obligés de se corrompre, même dans une moindre mesure. Sur les conseils de Clément, je finis par appeler un ami, fils du Premier Ministre. Il me donne alors le nom du chef de service, et nous dit de prendre rendez-vous en usant du nom de sa mère, grande avocate du pays. Gulp ! Nous obéissons et finissons par obtenir ce rendez-vous. 
Pas question de descendre ces deux hurluberlus devant lui, on ne sait jamais qui serait passé devant. Nous inversons donc la technique, en expliquant que parfois certaines personnes ne sont pas faites pour s’entendre, mais que cela n’est pas grave, qu’il faut simplement éviter les conflits, blablabla.

Le lendemain après-midi ... Nos passeports sont là, le visa accepté. Notre "ami", vert de rage, nous fait attendre tout de même, mais cela nous est égal, nous savons que ça va !
Abou, la force tranquille
Quatrième étape : Nous fonçons droit sur la gare de trains pour obtenir un billet pour ... Le lendemain matin ! A savoir qu’ici, il faut s’y prendre au moins une à deux semaines à l’avance pour obtenir un billet dans ce train... Arrivés devant la gare : la voilà fermée ! Ce tordu de préposé aux passeports le savait, il a fait exprès ... La pluie, torrentielle, se met à tomber. 
C’est le pompon ! Je commence à me taper la tête contre mon guidon, pendant que Clément dit que tout est fini. 
Et là, Ô grande surprise, Abou, grand noir costaud, fait son apparition. Il travaille en tant que contrôleur pour la compagnie des trains. Avec un de ses amis présent aussi, ils nous garantissent un ticket pour demain. Il suffit de venir le matin vers 7 :00, le train démarrant vers 9 :00. Pas de problème, nous n’avons rien à perdre !
La moto refuse de démarrer... Abou, la force tranquille, comme je le surnomme maintenant, ce qui le fait rire de sa voix profonde et douce, s’approche de moi. « Doucement, ta moto est gâtée, il faut être doux, elle a besoin de calme. Regarde. » Il appuie sur la pédale de démarrage tranquillement, et accélère doucement, la faisant ronfler comme un bébé. « Voilà, faites attention, avec la pluie vous pourriez vous faire mal ». 
Un ange descendu du ciel (oui oui, on commence à y croire dans ces moments là! ;D) juste pour nous aider au moment où nos nerfs sont sur le point de lâcher.

Le lendemain matin, 6 :15, le téléphone de Clément retenti : vite vite ! Il faut venir à la gare, il ne reste que deux places !! Branle bas de combat, nous voilà sur le pied de guerre ! Impossible de tout mettre sur la moto, Clément emmène ses affaires pour l’Europe, car il a décidé de décoller depuis Abidjan. Je fonce en moto pendant qu’il se débrouille de négocier un taxi !

Clément et Karim, nos billets en main!
A la gare, c’est l’émoi ! Des centaines de personnes et des milliers de bagages, empilés dans tous les sens, dans un brouhaha incroyable. Je finis par retrouver Karim, qui m’aide à négocier une place de parking pour ma moto dans le parking des employés, car pas le choix. Puis, en dépassant des 10aines de personnes agglutinées les unes sur les autres sur des bancs, parterres ... Nous nous approchons du comptoir pour récupérer les tickets. La dame nous les avait bel et bien réservés, on ne s’est pas moqué de nous, et en plus, ce sont vraiment les derniers ! Ouf ! Une fois nos billets en mains, c’est le rêve ! Ouiiiiiiiiiiiiiii !! Nous avons réussi, après toutes ces épreuves !

Nous sommes très entourés pour prendre le train. Lorsque nous arrivons sur le quai, je demande à Karim « tu sais, hier, nous avons rencontré un super mec avec toi. La force tranquille. Ce serait tellement bien de le revoir, nous avons oublié de le remercier ! » «  Mais c’est Abou, il prend le même train que vous, il y est contrôleur, je vous le présente ! ». 
Paf ! Abou apparait, sortant du dernier wagon. Quelle coïncidence ! Nous promettons de nous retrouver dans le train.

C’est l’heure de grimper, nous nous hissons sur les marches plus hautes les unes que les autres et arrivons à nos sièges, en première classe, attention !

Pour ceux qui souhaiteraient effectuer le trajet, un grand conseil : prenez la première classe si vous voulez dormir et bénéficier d’un « vrai » siège. La classe ordinaire n’est pas horrible, mais ce sont des bancs en plastique, assis par 6, et un bruit constant et incroyable durant 36h de trajet ! Au moins, nous avions un minimum de calme (même si la super télé dernière génération encadenassée dans un placard en fer a le volume à fond : ça fait bien ici !), une clim marchant quand elle le veut, faisant passer les températures de 20 à 40 en quelques minutes et assez de sécurité pour dormir « tranquillement » !