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Friday, April 12, 2013

Teel Taaba (La Solidarité en route !)

Crèche de Noël
Cette expérience m’enrichit chaque jour, me poussant d’un bout à l’autre de mes limites d’occidentale. Ca fait du bien de se faire remuer dans ses valeurs, son approche du monde univoque, ses à priori !
Le weekend de Pâque a été pour moi le moyen de m’enfoncer encore un peu plus dans la culture, les coutumes du pays. Tout d’abord, le samedi était la célébration du mariage d’une des soeurs de Marius, mon chef. Il y a tellement de frères et soeurs, d’oncles, neveux et nièces, que souvent on se perd dans les relations familiales africaines. C’est simplement que ce n’est pas conçu de la même manière. Si tu es affilié par la mère, alors tu es oncle, neveu, nièce, suivant le degré de parenté. Si c’est par le père, ce sera grand frère, petite soeur (c’est une société paternaliste) ... Même si parfois cela peut être ta cousine ou ton cousin, tu peux être frère ou soeur. Un mélimélo qui laisse pantois, puis on finit par s’habituer.

Les vieux se rencontrent
Pour en revenir à nos mouton, le mariage est ici bien différent du mariage traditionnel européen. L’homme se doit de demander la main de sa future femme aux vieux du village de celle-ci, et ils doivent accepter. Pour cela, le jour du mariage, le marié et ses amis et proches, sans sa dulcinée, s’en vont au village, puis reviennent avec les vieux qui ont donné leur accord préalable. Puis c’est la rencontre entre les vieux pères du marié et de la mariée qui s’entretiennent et font une réunion. C’est après cela que le marié peut enfin aller à l’église, la mairie, ou la mosquée.

Le jour de cette rencontre, nous sommes allés dans la famille de Marius, pour y attendre le retour des vieux et du marié aux côtés de la future femme. Nous avons mangé tous ensemble, les vieux et les proches, puis les vieux se sont concertés et ont accepté. C’était la folie ! Des plats de crudités, de pommes de terre frites, du poulet, porc, poisson, ... à n’en plus finir ! Et les femmes qui s’activent sous le regard des hommes qui restent assis à « causer » comme ils disent ici. Il faut s’habituer à cette vision de la société qui est loin encore de nos valeurs féministes. Mais on y viendra, certaines femmes commencent sérieusement à prendre leur indépendance, à refuser le mariage forcé ou l’excision (surtout en ville).
Sortie triomphale de la mariée
Au moment de partir, la tradition veut que la famille et les amies de la mariée empêchent la famille et les proches du marié de passer la porte sans avoir payé une certaine somme d’argent et effectué des « gages » qu’ils sont obligés d’accepter sans broncher. C’est comme cela, car comme ensuite ce sera la famille de l’homme qui aura le dernier mot, c’est l’ultime moment pour eux de prendre des décisions.

Quelle pièce de théâtre ! Une ribambelle de femmes toutes plus colorées les unes que les autres bloque le passage de la porte et ordonne aux autres de prendre la femme sur leur dos, de danser, de chanter, de
quitter les chaussures, de sauter ... Et c’est au milieu des rires et des cris que tout cela se passe ! Un bouchon qui n’en fini pas, et des invités qui donnent des idées pour en rajouter. Pendant ce temps là, la mariée ne bronche pas, et le marié l’attend à l’extérieur.
Après 30 minutes d’émoi, les amis du marié et sa famille, la mariée sur le dos, chantant à tue tête des chansons imposées par les autres et tournant sur eux-même (idée d’un invité) sortent et rejoignent la voiture qui les attend. Tout le monde se rue dehors et le spectacle continue : les femmes se mettent devant la voiture qui crisse des pneus et lève la poussière de la route non goudronnée. Après avoir réussi à les éviter, les mariés s’enfuient à tombeaux ouverts en klaxonnant.
                                                                                                                          
Image: Joseph, fils d'Hervé
Le dimanche, c’était Pâques, et ici on ne rigole pas avec çà : la coutume veut que du matin au soir, tu fasses entre amis et/ou en famille, le tour de toutes tes connaissances pour les saluer chez eux, et te faire inviter à chaque fois pour manger et boire. Nous avons fait 8 cours (la cour est partagée parfois entre plusieurs familles) ! A la fin de la journée, mon estomac ne répondait plus à l’appel ! :D Une très bonne journée, qui m’a valu de rencontrer encore un aspect de la culture burkinabè qu’il faut vivre pour comprendre.

Le soir, le boutiquier, Hervé, chez lequel j’achète toujours mes unités, mes sachets de lessive, mon pain et les gâteux du matin, m’a invité à manger le tô avec sa femme, ses deux enfants (Joseph et Adolphe) et son meilleur ami. Comme leurs revenus sont extrêmement bas, je sais à quel point j’ai été bien accueillie et bien servie. Et tout çà dans la simplicité et les rires à la burkinabè. Un très bon moment, assis au coin de sa boutique dans le noir autour d’une petite table en bois, assis sur des bancs et chaises en plastique avec une « chinoiserie » comme ils disent ici (objets asiatiques qui ne tiennent pas mais courent toutes les rues ici) pour nous éclairer.

Jour de Pâques à Kamzaka
Le lundi de Pâques, bien qu’en congés, je me suis quand même rendue au centre, car j’avais promis aux enfants de leur faire découvrir un Pâque de chez nous. J’ai acheté des caramels chez Hervé, puis récupéré des capsules de Coca, Fanta, Brakina ... chez mon ami Rasta, et je les ai cachés dans la cour de Kamzaka. Les enfants les ont cherché jusqu’à la dernière, puis ce fût la récompense. Un super moment qui fait du bien
et qui rappelle pourquoi je suis ici.

La semaine est passée très vite, du fait du boulot important que je dois fournir pour trouver des fonds et réorganiser l’association qui ne va pas bien. Certains partenaires potentiels commencent à me répondre et les dossiers commencent à s’accumuler sur mon bureau, c’est bon signe ! Mais c’est vrai que c’est tendu et que le temps nous est compté ! Si nous n’avons pas de solution, en juin, 26 enfants sur 30 seront placés en famille, et les deux éducatrices perdront leur travail...
Certaines tensions, du fait de la gestion un peu « laxiste » de mes chefs ont éclaté lors des diverses réunions que j’ai mis en place pour en discuter. Mais les éducatrices qui ne travaillaient plus correctement, ne venaient plus à l’heure, partaient en avance ... commencent à se remettre au boulot doucement, et à respecter un peu plus l’autorité représentée par mes chefs et qu’ils avaient perdue depuis longtemps.

Course à l'hippodrome
Pour compenser de cette ambiance quotidienne, le weekend dernier a été aussi bien chargé en activités ! Nous sommes montés à cheval avec Corinne (la belge), Salif et Issa le Guerrier pour nous rendre à la course hebdomadaire du dimanche à l’hippodrome de Ouaga. 
Des centaines de chevaux, et une course à couper le souffle : les jockeys ont entre 8 et 12 ans et montent des chevaux au triple galop sans barrière, sans casque ... Les gens font des paris et leur courent après pour les insulter s’ils ne vont pas assez vite. La poussière qui se lève à chacun de leur passage, et la foule qui s’éparpille au milieu des chevaux. Et entre chaque tour, une pause bière à l’ombre d’un kiosque aux chaises en plastique bleu.
Pas que des chevaux!
Après la course, nous sommes repartis au galop avec les vainqueurs, au milieu de la circulation dense de la ville, et des jeunes euphoriques. Le galop s’est fini à un baptême pour lequel plusieurs cavaliers dont Salif ont
fait des démonstrations de voltige aux invités. Une fois de plus, il nous fallait avoir le cœur bien accroché, ils se lançaient à pleine vitesse au milieu de la foule déchaînée et des enfants qui chahutaient. L’un d’entre eux, âgé de 5 ans tout au plus, dans sa course, a été percuté... Heureusement, il s’en est sorti avec quelques égratignures et des larmes, mais ce fût impressionnant.
Après avoir mangé et bu un peu aux frais de la famille pour laquelle les cavaliers avaient fait les démonstrations, nous sommes rentrés.

Toutes ces expériences me font grandir et me poussent à prendre conscience que tout n’est pas acquis et qu’il faut prendre la vie comme elle vient, au jour le jour, sans en demander trop. Ici, l’espoir est le moto de la population. Un proverbe dit même que si tu perds l’espoir, tu deviens fou. Et ici, les fous sont ceux qui arpentent le bord des routes sans but, nus, se parlant à eux-mêmes. « Ils ont perdu l’espoir » te disent tes amis si tu en croises « Ils ont perdu le chemin ».

Issa le Guerrier
Vendredi, le petit frère de mon propriétaire n’était pas venu me saluer, ni parler de ses projets assis sur un tabouret sur ma terrasse depuis 2 jours. En ne voyant pas sa petite moto Yamaha orange, je me suis dis que peut être il était occupé ou qu’on ne se croisait pas. Le lendemain, on m’apprenait qu’il avait été tué dans un accident de la route vendredi. 17 ans, des projets plein la tête... Voilà le quotidien caché de cette société. Le plus dur est de savoir qu’ici, si tu meurs d’un accident de la route, par peur qu’une malédiction ne s’abatte sur la famille, le défunt n’a droit à aucunes funérailles, parfois même on l’enterre au bord de la route à l’endroit de l’accident. Et personne n’a le droit de se recueillir sur sa tombe. Il faut l’oublier. Heureusement pour lui, son grand frère a décidé d’organiser des funérailles en comité réduit et de l’enterrer décemment.

Le quotidien ici nous confrontent à toutes les réalités du monde : de l’extrême richesse à l’extrême pauvreté, de la gentillesse sans fin à la méchanceté, de la paix à la violence, de la vie à la mort, de l’espoir au désespoir, de l’amour à la haine, du savoir à l’innocence, de la corruption à l’honnêteté ...
                                                                                                               
 Image: Bon voyage!
C’est un combat permanent pour bon nombre de personnes au quotidien, mes amis y compris. Pour obtenir son salaire, Salif, comme beaucoup, se doit de dormir au travail la nuit pour trouver sa patronne le matin, sans savoir combien il sera payé, ni s’il le sera. Ce mois-ci, il lui a fallu patienter une semaine entière à ne pas dormir la nuit avec ses collègues, pour toucher 35 000 FCFA au lieu de 50 000 FCFA... et s’en contenter, tout en sachant que cela représente 53 euros pour le mois.

C’est une société de débrouilles, un mélange entre solidarité et intérêts. Entre amitié et argent.

Bilfou !!!