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Friday, May 24, 2013

Banfora mon Amour


Premier jour :

Visite des dômes de Fabedougou (ethnie Turka, l’ethnie des nomades chasseurs) : A dos de moto, nous partons pour les dômes sur un chemin à travers les champs de canne à sucre qui s’étendent à perte de vue. Les femmes partent au travail en longues files indiennes sur le bord du chemin, une pioche posée sur l’épaule et un sac de riz vide à la main. Patrice nous explique qu’elles enlèvent  les mauvaises herbes entre les cannes à sucre, le dos courbé sur leur travail toute la journée. Elles nous sourient et nous font des signes de la main lorsque nous les dépassons, un marge sourire aux lèvres.

De grands arbres bicentenaires bordent le bord de la voie non-goudronnée que nous atteignons ensuite. Puis c’est une montée très pentue, et enfin le « péage », une petite cabine en fer postée au bord de la voie dans la montée, avec deux hommes somnolant sur leur vieux fauteuil raccommodé à l’extérieur, mâchouillant une herbe. Patrice pait et discute avec eux un instant en djoula avant de nous indiquer le chemin.


Dômes de Fabedougou
Les dômes ont été découverts au XVIIIème siècle par les Karaboros, peuple de la région. Le lieu est sacré et creusé par la mer qui montait jusqu’ici après la fonte des glaces. Leur forme est étrange, cisellée et douce à la fois. On grimpe, grimpe, et on se hisse sur le plus haut des dômes. Un paysage de tableau s’offre alors à nous à perte de vue : les dômes, puis les champs de canne à sucre et leurs installations d’arrosage gigantesques, puis au loin de petites collines et de petits villages plantés dans une verdure qui tranche avec Ouaga et sa poussière. Et le calme... Pas un bruit, si ce n’est une légère brise et les oiseaux qui font un bruit très différent des oiseaux peuplant nos territoires 
Dômes
européens.

Nous nous sommes postés là, sans bruit, pour un moment. Le guide a allumé sa cigarette et nous avons laissé filer un peu le temps.
Après cette petite pause à l’autre bout du monde, nous sommes redescendus de notre promontoire et sommes repartis en direction des motos pour nous rendre en direction des cascades de Banfora. L’occasion pour nous de nous rafrâichir dans ce pays sans accès à la mer.

Sous de grands manguiers, dans un nuage de poussière, nous arrivons en bas de la falaise en fin de matinée. Une fois le péage passé, et un nouvel arrêt discussion de notre guide qui sert la main à tous les gars entassés sous un abris de jute pour se protéger du soleil et croquant des mangues à peine tombées des arbres à pleines dents, nous garons les motos et entamons notre petite ascension.

Cascades
L’air est doux dans cette région. La respiration se fait plus facile, moins saccadée que dans la capitale.
1ère cascade
Après avoir passé un petit pont de fer rompu traversé par un troupeau de boeufs conduit par un enfant, nous entrons sous une voûte de manguiers centenaires, peuplés d’oiseaux faisant des bruits sortant de l’ordinaire. C’est impressionnant, impossible même d’en voir le sommet pour certains. C’est un moment agréable que de marcher sous ces grands arbres, qui parfois perdent un fruit juteux que les habitants du coin s’empressent de ramasser et de croquer avant de laisser le noyau orangé sur le sol qui en est jonché. 

Pics de Sindou
Après avoir admiré une première cascade dans laquelle de nombreux sacrifices sont effectués, nous commençons à grimper pour s’enfoncer dans la falaise. Au fur et à mesure, nous dépassons la cime des arbres et un paysage surprenant s’offre à nos yeux : à perte de vue, un mélange de jaunes, oranges, et de dégradés de verts. Par ci par là, des villages dont la fumée des feux de bois zigzague dans le ciel, nous montrent le bout de leurs cases. Puis le ciel et son dégradé de bleus. Juchés sur nos rochers, nous sommes pris par ce paysage à couper le souffle.

La seconde cascade est envahie par une école dont les élèves, qui ne savent pas nager, s’aspergent, se jettent dans des chambres à air servant de bouées, et prennent la douche sous le jet de la cascade, tout cela en poussant des cris de joie. Certains connaissent le guide et nous saluent au passage.
Cascades
Au dessus, c’est le coin des musulmans comme l’appelle Patrice : c’est ici qu’ils viennent faire la prière dans le calme sous les arbres, avant de se purifier dans la rivière par un bain. Une ribambelle de tongues est alignée sur les rochers : rouges, vertes, jaunes, bleues, roses ou oranges, ce qui rompt avec la nature environnante.

Enfin, nous atteignons la troisième cascade. Personne ne s’y aventure, car les eaux sont plus profondes, et comme personne ne sait nager, il vaut donc mieux se cantonner à celles de dessous.
Un coin tranquille, qui nous permet de nous relaxer sous les arbres au son des sauterelles et des lézards qui courent entre les rochers. En deux temps, trois mouvements, nous sommes dans l’eau pour une après-midi entière à en profiter.

Campement Baobab
En fin d’après-midi, le ciel commence à gronder, et des nuages arrivent à vive allure. Nous rangeons « sap sap » (vite vite en mooré) nos affaires, et nous prenons le chemin du retour pour ne pas être devancés. Ouf ! après avoir emprunté les chemins dans les champs de canne à sucre, nous arrivons au campement juste à temps, et c’est lorsque nous prenons notre douche que l’averse s’écrase sur nous. Cela nous permet de passer une excellente nuit après un bon riz gras dans un resto pas trop cher.

Deuxième jour à Banfora :

Le réveil est aux aurores, car nous avons 120 km aller-retour en motos sur des pistes non goudronnées pour atteindre les pics de Sindou, à une 40aine de km de la Côte d’Ivoire, et une 30aine du Mali.

Le trajet fût ... inoubliable !
Pics de Sindou
La route, jonchée de trous et de bosses de toutes tailles et toutes profondeurs, tourne et retourne dans tous les sens, fréquentée par des camions roulant à vive allure, des taxis brousse, des motos, vélos, piétons et des animaux plus incohérents les uns que les autres...
J’ai d’ailleurs failli nous offrir un steak de chèvre pour le dîner, et nous avons évité l’animal qui s’est jeté sous mes roues de justesse ! ;)

Après un long trajet sans fin sur la piste, qui nous a tellement empoussiéré que nous sommes devenus orange tous les trois, nous avons enfin atteint les Pics de Sindou et ... cela valait vraiment la peine ! Les pics déchirent le ciel comme sur une peinture de Dali. On se sent vraiment petits face à ces géants naturels. Après avoir garé les motos, nous avons commencé l’ascension. Petite rencontre avec un singe descendu chercher à manger, qui, apparemment est rare à voir, puis nous arrivons au centre de ce décor de cinéma, entourés de ces rochers noirs regorgeant de fer.

Le Baobab Sacré
Les chauve-souris
Ici vivait l’ethnie nomade des Karaboros, protégés par un génie qui leur fournissait tout ce dont ils avaient besoin, en nourriture, vêtements ... Mais à une condition : seul l’homme chargé de communiquer avec lui sur leurs besoins n’avait le droit de descendre de la montagne à sa rencontre. Un jour, une jeune fille, curieuse, décida de le suivre en cachette pour en avoir le cœur net et voir si ce qui se disait était vrai. Arrivés en bas de la montagne, l’homme rencontre le génie. Celui-ci entre dans une colère noire en apercevant la jeune fille, et décide de mettre fin au contrat passé avec le village. C’est à partir de ce jour là qu’il leur fallut descendre de leur promontoire pour aller chasser et cueillir des fruits afin de subvenir à leurs besoins. Cela reste un lieu sacré où de nombreuses cérémonies ont lieux, et des sacrifices sont fait pour les grandes occasions, dans un lieu tenu secret que personne ne peut nommer ou pointer du doigt.
Lorsque nous arrivons au sommet de l’un des plus haut pics, nous nous asseyons pour admirer la vue imprenable en contrebas : les paysans travaillent dans les rizières et ressemblent à des fourmis colorées. Yann Arthus Bertrand aurait une bien belle prise de vue ! Les tons de verts tendres et jaunes profonds s’opposent au bleu du ciel et de ses nuages gris annonçant la pluie. Les animaux tirent les outils de travail, petites tâches blanches, noires, ou marrons s’animant lentement.
Les lignes des rizières laissent ensuite place à une forêt luxuriante au loin. Tout ceci dans un silence ponctué de bruits d’animaux. Il ne fait pas trop chaud grâce à la pluie de la veille, et nous en avons profité un long moment avant de reprendre lentement la route. La forme des rochers laisse le visiteur rêveur, à chacun son imagination : visages, animaux, ...

Puis c’est le retour, en direction cette fois du Baobab Sacré, bien gardé par son vieux sage depuis 31 ans. C’est le baobab qui l’a choisi. Un matin, il s’est réveillé à l’intérieur du tronc de l’arbre, sans savoir qui avait bien pu le mettre là. C’est ainsi qu’il a été désigné selon les sages du village, et il se doit maintenant de veiller sur l’arbre et ses pouvoirs.
Le vieux du Baobab

Pour entrer à l’intérieur, il faut se glisser à travers un petit trou tout en bas du tronc. C’est là que le spectacle s’offre à nos yeux après qu’ils se soient habitués à l’obscurité : des chauves-souris par centaines perchées au dessus de nos têtes, et des abeilles autour de leur ruche construite un peu plus haut. Et au centre, une sorte d’antenne partant du sol et allant droit jusqu’en haut de l’arbre, là où nos yeux s’arrêtent et que personne n’a le droit de grimper. C’est cette antenne qui permet à l’arbre de
communiquer avec le ciel et les ancêtres. Le vieux agite une cloche en émettant des « yayayayayayaya » pour faire « danser ses amies les chauve-souris ». Son rire restera gravé dans nos mémoires. Entre sorcellerie et méchants dans les films bon marché. Ca donne un peu la chair de poule ! Mais il reste souriant, riant à gorge déployée à chaque fin de phrase. Il nous fait porter des cornes de boeufs sacrées entassées dans un coin, qui son des sacrifices en l’honneur du Baobab sacré. Avant de passer la porte de sortie, il faut tremper ses mains dans un récipient naturellement creusé dans le bois dans lequel se stocke l’eau de pluie pour être « bénis par l’arbre ». Des scorpions noirs nous attendent cachés dans une cavité à côté du trou pour saluer notre départ.

S’en suit la séance photos sur lesquelles le vieux aime faire des mises en scène et des grimaces ! :)
On le laisse ensuite (en lui glissant un petit billet au creux de la main au moment des salutations) au pied de son arbre, sur une chaise en bois, au son de sa radio des années 50 accrochée à un clou planté dans l’écorce. 
Nous nous faufilons alors à travers les arbres de la forêt de tek, pour revenir sur la piste rouge et nous rendre au lac de Tengrela.

Hippos du Lac de Tengrela
 C’est magnifique ! Une large étendue d’eau bordée de verdure. Le piroguier nous emmène, sur les eaux calmes de ce lieu paradisiaque à la rencontre des hippopotames. Le soleil descend doucement à l’horizon, nous sommes exactement au moment où les couleurs changent et donnent une couleur différente aux éléments du paysage à chaque instant. Nous avons été chanceux, une famille d’une dizaine d’animaux prend sa pause/pose à quelques mètres de notre barque, bâillant aux corneilles, laissant apparaître leurs dents plates gigantesques et poussant des grognements de satisfaction.
Dans ce silence bercé par ces grognements et le clapotis de l’eau, le coucher de soleil accompagne notre retour sur les berges du lac. Un moment de repos et de tranquillité dont nous avions besoin après cette rude journée... Nous rentrons maintenant au campement, pour nous doucher, le fessier douloureux de s’être fait secoué par la moto.

Hion : mon ami Salif croyait même que c’était la marque d’un camion, car un vendeur de sandwichs a écrit çà sur son camion à côté de chez lui à Ouaga. De quoi remettre l’enseigne à sa place ! :D
Le resto est très décoré et le personnel souriant, ca fait du bien de manger de la salade après tout ce temps sans crudités ! Nous avons même pu recharger la batterie de nos portables durant le repas pour mettre le réveil du lendemain.

Après çà, une bonne nuit de sommeil sans électricité s’impose !

3ème jour à Banfora : 

Nous avons décidé de rester tranquilles durant cette journée, et nous n’avons fait que visiter l’usine de mangues communautaire des femmes de Banfora, et sa section noix de cajou.

Nous avons d’abord rencontré « officiellement » le directeur de l’association, qui a noté sur son grand cahier de visites nos noms, métiers, coordonnées ... de manière très bureaucratique et nous avons signé le registre des visites dans un grand cahier grands carreaux bien organisé.
Puis, nous avons suivi nos deux guides, l’un pour les mangues et sa collègue pour les arachides. Tout le processus de fabrication des mangues séchées et de préparation des arachides nous a été expliqué, de l’arrivée des fruits par camion à la mise en sachets, sous vide, pour l’exportation ou la vente sur place, et à tous les dérivés de ces deux matières premières.
A la sortie, nous avons dévalisé la boutique, bu un excellent jus de mangue maison, et goûté au riz sauce de 
la cuisinière de l’association. 

Après cela, nous nous sommes rendus dans un petit village sur le chemin du retour, afin de visiter des "caves" dans lesquelles les femmes tissent les magnifiques paniers originaires de la région. Cela leur permet, avec l'humidité, de garder les tiges souples et de faciliter ainsi le travail.

C’est parti pour le retour vers Bobo !

1 comment:

  1. Would you add your bat photo as a citizen-science observation to the AfriBats project on iNaturalist?:
    http://www.inaturalist.org/projects/afribats

    AfriBats will use your observations to better understand bat distributions and help protect bats in Africa.

    Please locate your picture on the map as precisely as possible to maximise the scientific value of your records.

    Many thanks!

    PS: these are slit-faced bats, Nycteris sp.

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