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Friday, January 17, 2014

Un dimanche au monastère de Koubri

Champs de bananiers fraîchement plantés
La semaine dernière, je reçois un appel de Pauline. Pour faire court, Pauline est une fille burkinabé que j’ai eu la chance de connaître dans l’avion lors de mon « retour » en France en août. Depuis, nous avions pu correspondre seulement par mails, car elle étudie la médecine en France et que pour ma part je suis revenue à Ouagadougou.

Et là, dring dring !!! Je décroche et Ô Grand Bonheur ! La voilà au bout du fil, m’annonçant qu’elle est revenue. Nous convenons donc de nous retrouver le dimanche, pour partir rendre visite à l’une de ses vieilles amies de l’école lorsqu’elle était encore ici qui est maintenant ... Bonne sœur dans un monastère à Koubri, une ville à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou.

Hop ! De bon matin, vers 9 :30, nous chevauchons les motos, Alice (une nouvelle stagiaire), Pauline et moi. 
Vroum vroum !! En route sur cette route toute droite fraîchement goudronnée, le vent dans les cheveux. Nous dépassons le péage, où les vendeurs nous tendent des miches de pain et des oranges, puis continuons à travers les immensités vides de part et d’autre de la route.
Soeur Isabelle et Pauline en grande discussion
Des camions, débordant de marchandises faisant deux fois leur taille et leur poids au sommet desquels sont assis, placides, des hommes tenant leur vélo. Les taxis brousse et les bus partant pour le Ghana, bondés, suivent aussi gaiement notre trajectoire.

Arrivées au croisement menant vers la brousse profonde au fin fond de laquelle se trouve le monastère, nous sortons de la ligne droite pour nous engager dans des chemins à peine tracés au cœur de la forêt qui fait de l’ombre aux familles qui rentrent de la prière en longues files indiennes, à pieds ou à vélo et qui nous hèlent au passage, surpris de voir deux blanches perdues au milieu de nulle part. 
Là où le chemin prend fin, nous nous trouvons face à un modeste monastère, duquel sortent les bonnes sœurs pour nous accueillir et nous ouvrir leurs portes. Il est maintenant 10 :30.

Papayer du potager du couvent
Comme Isabelle était occupée, nous sommes réunis par d’autres sœurs dans une salle avec une famille burkinabé qui nous intègre comme si nous faisions partie de la famille. Pour nous accueillir, un plateau rempli de pots de yaourt est posé au centre de la table : ici, au couvent de Koubri, les sœurs font elles-mêmes depuis maintenant 50 ans le yaourt qui est vendu dans toute la région. Un délice ! Lorsqu’on ouvre le pot, on arrive au fond sans même s’en rendre compte.

Après ce temps familial partagé, Sœur Isabelle vient nous accueillir et nous nous éloignons dans une petite salle pour parler en toute « intimité ». Quel phénomène cette Isabelle ! Je n’avais jamais eu à faire à une sœur si ouverte d’esprit, pleine d’humour et parlant de tout sans être outrée !
Tous les sujets y passent : politique, sexe, relations amoureuses, souvenirs du lycée, vie au couvent, culture, etc. 

La sœur se lève alors brusquement : vite vite ! Je dois sonner la cloche, c’est l’heure d’aller prier pour le repas de midi ! Elle nous laisse donc et nous nous dirigeons tranquillement vers la paroisse, perdue au milieu de cette forêt verdoyante et ombragée, avec pour seul bruit le piaillement des oiseaux dans les arbres.
Pauline en grande négociation
Au moment de passer la porte de la paroisse, je ne me sens pas très à l’aise : je ne suis pas croyante et tous les gens qui nous accompagnent sont, eux, très impliqués. Heureusement qu’il y a Alice qui est tout aussi pratiquante que moi ! Après nous être installés, les soeurs entrent une à une, en faisant le signe de croix, puis s’agenouillent à terre pour prier le front sur le sol. C’est un étrange tableau qui nous fait face, mais nous ne perdons pas notre sérieux pour autant. 

Enfin, trois sœurs entrent, armées de leurs Coras (instruments de musique traditionnels burkinabé qui ont la forme d’une guitare mais se jouent de face et dont le corps est en fait une calebasse). C’est incroyable de voir cet instrument au sein d’une église. Je suis stupéfaite mais heureuse que traditions et religions puissent parfois se retrouver dans ce genre de détails.

La prière commence alors et nous ouvrons tous nos petits livres où un marque-page a soigneusement été inséré à la bonne page. Je suis très agréablement surprise au son du chœur des sœurs. Elles chantent super bien ! Nous avions peur de nous ennuyer, mais finalement le voyage s’avère plutôt intéressant.

Balade au potager
Après cela, nous nous dirigeons vers la salle commune accompagnées de la grande famille. Ils sont venus des quatre coins du monde pour les funérailles d’un oncle/père qui a été enterré au couvent. Ils sont 8 (ou 9), avec deux jeunes filles venues des Etats-Unis, leur oncle, une tante enceinte très bavarde, une autre très maternelle et trois enfants qui jouent, trottent et rient dans nos pattes. Certains ne se sont pas vus depuis plusieurs années et les discussions sont animées !
Il y a aussi un couple, très simple et très discret qui est assis à nos côtés.

Le repas nous est amené dans une grande marmite qui est posée sur la table au centre. Un énorme riz gras que je sers abondamment à toute notre petite communauté (ici on commence par les enfants)... Puis c’est l’heure de la sieste !

Après un bon roupillon, nous allons acheter du yaourt à la boutique : Pauline, qui s’avère être un ventre sur pattes, nous achète des pots familiaux que nous engloutissons sur les marches du couvent. 

Après cela, Isabelle vient nous chercher et nous partons pour la visite du potager... Et attention ! Ce n’est pas un potager parisien ! Ah non ! Plus de 250 hectares de rizières, manguiers, bananiers, papayers, citronniers, pommiers, etc. Et pour se faufiler à travers toute cette verdure, il faut parfois même escalader des barbelés, ce qui n’est pas une mince affaire pour une sœur en soutane. 
Après avoir soulevé un tronc d’arbre pour nous libérer le passage, elle nous dit d’escalader, puis de continuer sans nous retourner : 
« En tant que sœur, je ne peux tout de même pas vous montrer mes sous-vêtements ! ». 
Quelle crise de fou rire !

Durant toute l’après-midi, les deux filles (Isabelle et Pauline) nous racontent leur rencontre durant leurs études dans un établissement pour les sœurs, puis en médecine, avant que l’une décide de prendre le voile et l’autre décide de se marier avec le « plus beau garçon de sa classe ». «Tu aurais dû attendre » dit Isabelle « Les hommes sont trop imprévisibles ! », « Oui, mais c’était quand même le plus beau de la classe, comment je pouvais faire ? » lui répond Pauline (elle vient de se séparer de ce même garçon, avec qui elle a eu un petit garçon). 
A certains moments, elles nous laissent prendre de l’avance pour papoter en secret, s’excusant ensuite. Isabelle va même jusqu’à nous dire qu’il n’est pas du tout facile de tenir le vœu de chasteté, même si elle ne pourrait jamais passer le pas ! Ahahahahah !
Le potager

L’après-midi touche déjà à sa fin, et le soleil commence à saluer le monde pour aller se coucher. Nous étions si bien à nous balader sur ces chemins de brousse, dans le calme paisible de la campagne.
Il nous est difficile de quitter la famille à laquelle nous nous sommes attachées le temps d’un après-midi et de laisser Isabelle qui me fait promettre de revenir passer du temps au couvent.

Nous enfourchons nos motos pour prendre la direction du monastère des pères (qui se trouve à côté, mais que les sœurs n’ont pas le droit de voir), afin d’y acheter du... Fromage ! Oui ! L’un des seuls endroits du Burkina à en produire !! Nous y achetons deux tommes de vache, et deux de chèvre dont une est destinée au propriétaire de la moto qui nous a amenée sur place. Ce soir c’est festin !

Sur le chemin du retour, le soleil se couche le long de notre route. C’est comme si tout ralentissait et que même les camions surchargés et les bus quittant le Ghana roulaient au pas pour ne pas le déranger. 
Les troupeaux, menés par un vieil homme ou un enfant sur le retour de l’école ou de la prière, traversent la voie tranquillement. Les femmes, alignées le long du goudron pour y vendre des arachides, fruits, légumes ou épices en tous genres, commencent à rattacher leurs bébés dans le dos à l’aide de pagnes colorées. Les bicyclettes s’alignent et dansent en rythme. 

Le chahut commence à revenir, la voie à se dédoubler ... Nous voilà à nouveaux aux portes de Ouaga. 
C’est l’heure des bises (au milieu d’une intersection) avant de reprendre le chemin de la maison. 

Une énorme tartine de fromage partagée avec les chanceux présents, et hop ! Au dodo !

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