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Friday, November 22, 2013

Grand Bassam, paradis entre histoire et présent

Départ tôt ce matin pour Grand-Bassam, en taxi-brousse surnommés ici « woro-woro », depuis Abidjan. 
ancienne maison coloniale
transformée en maquis
Les gars, pressés de remplir leurs camionnettes, hèlent tous les passants dans la rue et négocient serré pour obtenir un pourcentage. 

Une fois que tout le monde est bourré dedans, on claque la porte, deux coups sur la portière, et c’est le départ dans un nuage noir d’échappements.
Super ! Après avoir négocié notre montée au carrefour « Grand Bassam », c’est à dire celui où tous les woro-woro pour cette destination sont stationnés, en attendant de se remplir le ventre et de filer sur la voie, nous voilà montés ! En plus, chanceux ! Au fond, près de la fenêtre pour respirer un peu, avec le paysage qui défile devant nos yeux.

Toutes les 10 minutes environs, un flot monte et un flot descend, comme une musique, un refrain bien huilé qu’eux seuls peuvent comprendre. Pour nous, c’est comme une chanson en langue étrangère que tu entends, qui te plaît, mais dont les paroles t’échappent. Pour finir, tu connais les rythmes et quelques intonations, mais ca te suffit pour la fredonner. Il suffit simplement de le transposer et vous capterez sûrement ce que nous avons vécu et vivons ici.
Entre passé et présent
Après un défilé de palmiers, des bouts de vue sur l’océan, et un goudron tout droit longeant un immense terrain militaire, nous voilà à Grand-Bassam.

Cette ville est étrange. Entre paradis et fantômes, elle sent bon l’océan imprégné d’une odeur âcre de murs en ruines, mangés par les plantes grimpantes, tristes vestiges de la colonisation.
Nous voilà donc partis à pieds, à l’aide d’un guide touristique inutile, ou plutôt si, il nous aide à nous perdre dans le dédale de rues de la ville, avant de comprendre ... que la carte est à l’envers ! :D

Perdus au pied d’un phare abandonné, où des enfants jouent à pousser des pneus de bicyclette, ou, pour les plus studieux, étudient à l’ombre de la tour, nous continuons le voyage dans le passé.
Escargots à l'ivoirienne!
Au détour d’une rue, nous rencontrons des habitants, tous enfermés dans le doux souvenir des temps heureux, précédant les deux crises consécutives de 2006 et 2011. « Ici y’avait plein de toubabs ! (les blancs) On en voyait tous les jours ! Mais ils ont fuit, ils ont peur, ils croient qu’on se bat encore ici. Pourtant tu vois comme c’est tranquille, non ? Il faut aller leur dire ! Nous on aime les blancs ! ». Il rit, bien sûr, on sait ce qu’il veut sous-entendre : c’est de l’argent qui rentre. Et il a raison !
Si les gens savaient ce qu’ils ratent à ne pas aller y faire un tour !

A force de demander notre route à tout le monde et de se perdre (ou pas !), nous apprenons qu’il faut passer le pont pour aller dans le quartier « français » où se trouvent tous les vestiges et les lieux touristiques. Nous montons donc dans un taxi orange, chauffeur rasta et musique reggae à fond, qui, parlant sans s’arrêter, nous raconte un peu la ville. Comme la faim nous guette, il nous dépose devant le restaurant qu’il dit être le meilleur pour les fruits de mer, et repart dans un crissement de pneus.

L’endroit est calme. Situé sur la lagune, la terrasse est reposante. Personne. Seul un couple non marié est assis à une table voisine, et le serveur, qui ne comprend rien à ce qu’on lui demande, nous amène les plats petit à petit. Nous avons décidé de goûter : escargots de Côte d’Ivoire (énormes !!!! En brochette, de couleur noir, de la taille de deux doigts de mon grand-père côtes à côtes, ils trempent dans une excellente sauce tomate aux oignons), crevettes, poisson, presque impossible de finir, mais tellement bon !

Après un p’tit café, nous repartons à la conquête du quartier, intrigués par ces bâtisses de l’ère coloniale, dont la couleur des murs s’efface. On distingue légèrement le contour des portes, le bleu des volets, le rosé des murs. Le temps les effacent doucement, prenant ses aises et laissant au visiteur la possibilité d’entrevoir encore ce passé peu glorieux.
L'ancien théâtre

En nous faufilant dans ces rues, nous tombons face à ce qui ressemble à un ancien théâtre. En face, une petite baraque, devant laquelle un rasta fait sa lessive. A notre passage, il lève les yeux, et, étonné de nous voir, il s’approche:
« Ca va les amis ? Besoin d’un guide ? ». 
Nous sommes méfiants. En règle générale, ils te guident pour finalement te demander de l’argent que tu n’as pas... 
« Non, non, ca va, non merci ! »
« Ne vous inquiétez pas, je ne veux pas d’argent, juste raconter ma ville ! ». 
Dans ce cas ... 
« C’est quoi ce bâtiment ? »
« Un ancien théâtre, comme vous le disiez. Il y avait même un étage et c’était bourré ! Mais comme y’avait pas les moyens, on a pas retapé ! En face, ici, c’était un cinéma. Jusqu’à il n’y a pas très longtemps, on y projetait encore des films, mais c’est fini. Avec la guerre, tout ca, on l’a laissé à l’abandon. 
Et comme ya plus les touristes, sauf vous, ben ... On a pas voulu y mettre l’argent. Ils préfèrent le bouffer ! ».
Vestiges fantômes de Grand Bassam


Après avoir papoté encore quelques instants, sur le passé et surtout le futur (il ne perd pas l’espoir de revoir un jour les touristes affluer avant sa mort) nous le remercions et continuons notre route, le laissant avec son linge.

Arrivés à un croisement, ou des jeunes sont assis, sur leurs motos, discutant à l’ombre d’un vieux bâtiment, une vieille nous accoste en hurlant. 
« Tubabu !!! Hey !! Tubabu !!! Faut m’acheter mes caramel, là, c’est moi même je les fait !!! ». 
Les enfants s'esclaffent sur les photos
Arrivée sur nous, tous les regards sont tournés dans notre direction, et les sourires commencent à se dessiner sur le visage des gens. Elle commence, toujours en criant, à nous dire ce qu’elle pense de la colonisation et de la guerre, et surtout des jeunes qui traînent dans le coin et qui n’ont plus d’emploi. Je lui paye des caramels, en plus c’est vrai qu’ils sont bons. 
Un des jeunes s’approche alors, un peu timide et nous propose de nous accompagner pour visiter le coin. 

On se regarde avec Clément : Oui ou non ? Allez... Ok ! Nous voilà partis tous les trois, et c’est un conte qu’il nous raconte. Nous voyageons dans le temps, son père était domestique pour l’une de ces famille, et il raconte ses histoire, celles de son père et les siennes, avec son regard d’enfant. Nous passons de maison en maison, escaladons les ruines, passons des portes qui ne se voient pas, montons des escaliers prêts à tomber pour admirer des vues imprenables sur la ville, accompagnés par une troupe d'enfants qui s'amusent à imiter des pas de danse que j'improvise et qui hurlent de rire à la vue de leurs visages dans l'appareil photo de Clément.

fumoir à poissons
Nous finissons sur la plage, traversant le lieu où sont fumés les poissons. C’est noir de suie et les hommes et femmes qui y travaillent en sont aussi recouverts. L’odeur qui s’en échappe est un mélange entre le feu de randonnée, de celui de cheminée quand on l’allume et qu’une épaisse fumée blanche nous étouffe, et celle du poisson frais et grillé. Etrange mélange. Et nous, blancs comme neige, visibles à des kilomètres au milieu de ces couleurs sombres.

La plage ... A perte de vue. Les barques des pêcheurs retournées, ou attendant leur prochain départ quotidien à la recherche de poissons. Assis dedans, des enfants réparent les filets en chantant, ou courent pour jouer aux pirates. Le drapeau ivoirien flotte à l’avant, dans la lumière descendante de fin d’après-midi. Sur un coup de tête, nous décidons de nous enfoncer dans l’eau. Mais pas trop loin, c’est dangereux ! Brrr, la fraîcheur, ca fait du bien. 


Plage de Grand Bassam
Puis, nous retournons à notre visite : la statue en hommage à la sainte du coin, très important pour notre guide, puis les grands hôtels ... Ca fait peur ! Ce décalage ! Nous finissons par la prison, à côté de laquelle nous buvons une bière. Notre guide est malade, il ne peut rien manger ni boire depuis deux semaines. Lorsqu’il nous explique, c’est un ulcère. Et son médecin qui ne fait rien. Il a perdu 10 kg. 
Clément lui prescrit certains médicaments qu’il doit absolument prendre, et nous le laissons, après qu’il hèle un taxi pour nous, avec un peu d’argent pour le remercier et acheter ses médicaments.
Barques sur la plage, Grand Bassam
C’est le retour, nous arrivons à la gare des woro-woro, où nous prenons un lipton avec les employés, que nous aidons à remplir le van en les imitant. Grâce à cela, nous finissons accompagnateurs du chauffeur, assis sur la banquette avant. La classe !!!

Arrivés sur Abidjan, nous trouvons, sans nous perdre, le chemin de la maison. Là, Clémentine et Bamba nous attendent, inquiets de nous voir revenir si tard. Oups ! Nous avions oublié de les prévenir et nos portables ne fonctionnaient pas. Finalement, nous finissons autour d’un poulet sauté et de plusieurs Bocks qui nous permettent d’aller au lit en toute sérénité.



A DEMAIN !

Enfants sur la plage
jouant avec les photos

4 comments:

  1. Toujours pleins de souvenirs ces petits récits !! C'est toujours un plaisir de te lire !!!!

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    1. Grave!!!! Quels moments inoubliables!!! Merci pour tes compliments!

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  2. C'était bien les Djiula qui appellent toubabou aux blancs, n'est pas?

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  3. oui cest eux, c'est pour ca qu'ils le disent à abidjan. Cest la manière la plus communue de nous qualifier en Afrique de l'Ouest

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