La question : Que suis-je venue chercher ici ?
Maintenant que je m’installe un peu plus « durablement », la question m’est souvent posée...
Depuis plusieurs jours, je pense à cette question et la tourne et retourne dans ma tête.
Maintenant que je m’installe un peu plus « durablement », la question m’est souvent posée...
Depuis plusieurs jours, je pense à cette question et la tourne et retourne dans ma tête.
Notre génération se cherche comme on dit ici.
Vacillant
entre deux mondes, l’ancien, dans lequel elle est née, et le nouveau dans
lequel elle doit se construire (et qu’elle doit d’ailleurs aussi
construire !). Chaque génération a ses propres contrariétés, ses propres
combats et ses propres incertitudes, et la notre est confrontée à plusieurs
éléments qui ont du mal à cohabiter : environnement (Il faut sauver la
planète !! Attention au réchauffement climatique !!), crise
économique et financière (remise en cause du système bancaire, de l’Etat, du
rôle de chaque entité politique), crises identitaires (régionalisme face à la
mondialisation : on a peur de se perdre dans une identité mondiale, donc,
politique de la tortue, on rentre dans sa coquille au détriment de la
découverte de l’autre), mais en même temps besoin de voyager, d’aller ailleurs,
de donner aux autres (nous sommes de plus en plus, que cela soit pour quelques
semaines, quelques mois, à nous expatrier, ou même à rester en bas de chez
nous, et à donner de notre énergie et de notre temps pour donner un coup de
main). A tout cela, et bien d’autres choses encore, internet qui a réduit considérablement
les distances dans nos communications, même si il a remis en cause la valeur de
chaque être et des liens qui peuvent nous unir, nous offrant le moyen
d’échanger et de partager à distance, tout en rendant les relations plus
superficielles que ce qu’elles n’étaient auparavant.
Je ne me sens pas vraiment enracinée où que ce soit, comme
une plante qui est née dans un pot et qui change de maison et de propriétaire
sans savoir où ses racines se planteront enfin dans la terre ferme.
J’ai récolté un peu de terre grâce à toutes les rencontres,
toutes les découvertes, toutes les difficultés que j’ai surmonté durant ma
modeste existence, et c’est ici que j’ai décidé de tenter de me planter dans la
terre, même si cela ne signifie pas que je ne pourrais pas rempoter mes bagages
et repartir ailleurs un de ces jours.
Ici, la terre est aride, la chaleur tape sur nos têtes,
l’eau et l’électricité manquent, mais je m’abreuve des gens et du potentiel
qu’ils ont en eux mais qu’ils ne peuvent pas toujours exprimer. Ils vivent de
leurs rêves et ne cessent JAMAIS de les poursuivre, luttant chaque jour pour
les atteindre, et ne les perdant pas de vue malgré tout ce que la vie peut
mettre sur leurs chemins. Ce n’est pas parce que je n’ai pas réussi à obtenir
ce que je voulais aujourd’hui que je n’y arriverai pas demain !
Un projet comme le projet Koorongo (lien ici), par exemple, je
n’aurais sûrement pas réussi à le mettre en place, ou même pensé que ce n’est
pas idiot ou hors de ma portée, si je
n’avais pas été ici. Je me souviens du jour où l’idée m’est venue, au mois de
novembre, assise dans un maquis autour de bières Brakina, avec Nadège, mon amie
burkinabé, et deux de ses amis. « J’ai une idée !! Je vais créer une
bibliothèque dans le quartier ! »... Et là, engouement
général : « Trop bonne idée,
tu as raison ! Ce serait génial que tu fasses ça pour le quartier, pour
nos voisins ! ». Et Blam ! Me voilà en train de commencer à y
réfléchir, toujours soutenue et encouragée par mon entourage (local, mais aussi
familial et amical, ne l’oublions pas !).
Aujourd’hui, j’en suis à poster mon projet sur Ulule, et à
aller à Koudougou, à kilomètres de
Ouaga, pour chercher un container où m’attendent 200 livres. Je n’en suis
qu’aux prémices, mais je suis déjà tellement étonnée d’avoir réussi, grâce à la
solidarité des gens, à l’enthousiasme de chacun. Mon frère, Florentin, en est à
démarcher pour moi en France, de grouiller pour me venir en aide, mon père
rassemble des livres et les descend à Marseille pour qu’ils soient chargés dans
un container, mes amis européens me donnent de quoi lancer tout ça
financièrement, mes amis d’ici me demandent où j’en suis, me donnent des idées,
me remontent le moral et me disent de respirer quand j’hésite.
C’est dans ce genre de situation, que l’on voit qu’avec peu,
rien dans les poches, on peut réaliser, ou en tout cas, tenter de réaliser nos
rêves. Voilà ce que chacun ici fait au quotidien, avec la force et les moyens
dont il dispose, quitte à retomber pour remonter à nouveau.
Certains n’y arriveront pas, mais d’avoir poursuivi leurs
rêves leur suffit. Et c’est là que je me retrouve aussi, « qui ne tente
rien n’a rien » est ma devise depuis longtemps maintenant, et je la
retrouve dans cette philosophie de vie. En plus, certains partagent mon rêve
avec moi, le soutienne simplement parce qu’ils m’apprécient, m’aiment, sans en
connaître tous les détails. Ils croient en moi ! Cette phrase est très
importante, car c’est aussi ce que je recherche, dans ma quête du
bonheur : croire en moi, c’est me rendre heureuse, car cela amène
plusieurs concepts : confiance et amitié en étant les piliers.
Ceux qui viennent ici me voir, ou visiter des amis expatriés
suivant ma philosophie, sont souvent « choqués » par le fait que je
puisse apprécier d’être ici :
« C’est un bidonville géant ! », « Tu côtoies la misère chaque jour, regarde ici, regarde là bas ! », « Tu vies sans confort, sans même ni eau, ni électricité quand les coupures se font fréquentes ! », « Les gens n’arrivent pas à construire dans le temps, ici, mais tu continues à croire en eux ? », « Ici, la mort se vit au quotidien, tu n’as pas peur ? » etc.
« C’est un bidonville géant ! », « Tu côtoies la misère chaque jour, regarde ici, regarde là bas ! », « Tu vies sans confort, sans même ni eau, ni électricité quand les coupures se font fréquentes ! », « Les gens n’arrivent pas à construire dans le temps, ici, mais tu continues à croire en eux ? », « Ici, la mort se vit au quotidien, tu n’as pas peur ? » etc.
A ces personnes, que je respecte et que je comprends, qui se
trouvent projetées dans ce monde parce qu’elles viennent nous y voir, pour
nous, je réponds que je ne comprends pas non plus le fait de rester en occident
pour y vivre des problèmes superficiels, pour se fâcher dès qu’un piéton
traverse au rouge ou que les trains sont en grève. A rentrer le soir à la
maison, sans avoir rencontré ses voisins après plusieurs années au même
endroit, pour s’asseoir devant la télé et y passer la nuit, enfermé dans son
confort individuel, avant de recommencer métro, boulot, dodo. Tout le monde
n’est pas comme cela, bien heureusement, mais je n’arrive pas à m’adapter à ca,
j’ai besoin de contact humain, de partage et d’entraide, sans avoir à expliquer
ce que signifie ces termes. J’ai besoin de simplicité, non pas forcément en
termes de simplicité matériel (machines, infrastructures ...), mais simplicité
humaine. Même si les relations humaines ne sont jamais simples, qu’il y a
toujours de l’imprécis, du mystère, hormis certaines traditions encore floues
pour moi, je trouve ici que l’on ne va pas compliquer le simple, et on va
tenter de simplifier le compliqué. (Ca va, je ne vous perds pas au fin fond de
mes pensées ? ;-) )
Bref, le bonheur peut être éphémère, mais pour le moment je
me contente de ce que j’en trouve ici.
Bonjour Lucile !
ReplyDeleteJe suis ravie de voir ce que tu fais pour ces enfants, c'est très beau ! Je t'en félicite :)
À bientôt !
Kawla (en attendant Godot..)