Ça y’est ! Me revoilà face à ma plume électronique pour
vous raconter mes dernières aventures après plus d’un mois et demi sans
connexion... Eh oui ! Monsieur Ordinateur a décidé de griller pour me
montrer que d’endurer 1 an de chaleur et de poussière burkinabè, et bien ca
suffit ! Heureusement que je suis bien entourée et qu’ici, tout est
possible ! Merci Parfait !
Aujourd’hui, je donne une rédaction en classe aux élèves de
5ème et CAP1 :
Writting test : Write 10 questions you would ask
to your favorite star (soccer
player, singer, musician, comedian, etc.). Je demande aux élèves de me
traduire la consigne, et, arrivés au terme “musician”, un élève, à fond, lève
la main: “madame, madame!! Moi, moi !! C’est
« mécanicien » !! ». Fou rire général, je ne peux
m’empêcher non plus : « bien, Ismaël ! Ta star préférée est donc
un mécanicien ? Pas de problème, ecris-lui donc 10 questions ! ».
Rachid et Amza, deux jumeaux dans ma classe de 6ème,
se disputent à longueur de temps. Un jour, c’est l’apocalypse. Ils en viennent
aux mains au début de mon cours. D’autres élèves en profitent pour eux-même
perturber le début de mon cours. J’entre dans la classe, et, impatiente
aujourd’hui et n’ayant pas envie de faire la bagarre, je sors mon cahier et
distribue les moins, tout en séparant les deux loustiques. Un silence total
règne enfin. Là, pendant que j’écris au tableau, un bruit assourdissant
réveille toute la classe : Amza, que j’ai mis au fond et qui ne peut
s’arrêter de gesticuler dans tous les sens, s’est retrouvé enseveli sous les
tables et les chaises qui étaient empilées dans le fond de la classe. Il a
tellement peur de ma réaction, qu’il fait comme si de rien était, sous 4 tables
et 10 chaises. Un spectacle ! J’ordonne aux autres de le sortir de là, et
finalement, on arrive tant bien que mal à le faire sortir. Il se souviendra de
ce jour !
Classe de 5ème. Le calme règne enfin, malgré le
bruit de la circulation sur la voie rouge sur laquelle donne ma classe (qui,
bien sûr, n’a pas de vitres !) et le vacarme ambiant des autres classes et
de la cour à travers la porte en ferraille (cassée) qui relie la salle au reste
de l’établissement. D’un coup, une de mes élèves les plus calmes, Faouzia, se
jète littéralement sur Evrad, un élève des plus turbulents et insolents. Elle
hurle à faire trembler les murs et l’autre peine à se défendre. J’interviens
donc, me mets au milieu (prends quelques coups par la même occasion) et lorsque
tout se calme, je demande à Faouzia, en larmes, qui a fini par mordre
l’intéressé, ce qu’il s’est passé. « Il m’a frappée parce que j’ai fait
tomber mon stylo ! » me dit-elle. Je me tourne vers Evrad qui
dit : « Ben oui, Madame, elle ne doit pas faire tomber son stylo,
donc je la corrige ! » ... Mmmmm ... Il reste beaucoup de
boulot !
Quelques réponses en vrac à mes questions de français en
6ème et AP:
« L'obscurité c’est quelqu’un d'obstiné. »
« Un philosophe c’est quelqu'un qui raconte des
histoires qui ne sont pas vraies et qui ne croit pas en la religion. »
« Un aviateur c’est un dessinateur. » (Logique, on
fait Le Petit Prince !)
Après la lecture d’un texte, lorsqu’ils demandent le
vocabulaire : « Mozart, c'est une marque de vêtements madame? »
A ma
question, qu’est-ce-que la politique ? :
« La
politique c’est des gens qui parlent pour se faire élire. Ils essaient de
convaincre les gens pour gagner. »
« C’est
des gens qui se réunissent. »
« La
politique c'est l'argent. »
Je demande : « C'est quoi un fauve? »
Christian répond : «Un marigouya! »
« Une cravate c’est un truc pour se rendre beau pour
aller travailler au bureau. » « Non ! Une cravate c’est pour
aller au mariage ou aux funérailles ! »
Et j’en passe et des meilleures ! Il me faudrait tenir
un carnet quotidien pour noter tout ce qu’il se passe ... Un spectacle
quotidien ! Malheureusement le temps me manque et je regrette de ne
pouvoir le faire mieux que cela.
Bref, voilà déjà deux trimestres que j’enseigne en tant que
professeur vacataire au même titre que les professeurs burkinabè. Il est très
difficile de faire un retour sur soi lorsqu’on vit un quotidien et qu’on y
prend de nouveaux repères, de nouvelles habitudes. Il faut à chaque fois tenter
de prendre des distances pour analyser et se rendre compte de ses
particularités et de tout ce qu’il y a à en dire.
Être professeur n’est jamais de tout repos, et lorsque des
questions d’interculturalité entrent en compte, cela n’arrange pas
l’affaire ! Une chose frappante est le rapport à l’autorité qu’il y a
entre les plus jeunes et les professeurs. Comme je le raconte dans l’un de mes
articles précédents, le rapport aux plus vieux, aux « coro » (grands
frères) et aux « nikiéma » (vieux) est très différent de chez nous.
Ici, il est normal qu’un « petit » aille payer les cigarettes, les
sachets d’eau, ou fasse des courses pour les plus grands, qu’ils soient de la
famille ou qu’ils soient des inconnus. Il est très difficile pour nous,
occidentaux, de se prêter au jeu et d’envoyer les petits faire nos courses. Ils
ne doivent rien dire et exécuter, par respect pour le plus âgé, en espérant
secrètement devenir grand un jour et bénéficier des mêmes avantages. La parole
des vieux est elle aussi toujours celle qui primera sur toutes les autres.
C’est une très bonne chose, sauf lorsque le vieux raconte des bêtises que les
autres commettront par respect. Le
rapport entre professeurs et élèves est le même, sauf ... lorsque l’enseignante
est une femme...
Ce n’est pas quelque chose de dit, mais après plusieurs mois
d’enseignement, je suis frappée par cela. Déjà, les élèves ont tendance à nous
appeler « Monsieur » par habitude de n’avoir que des professeurs
masculins, et ce, même après 6 mois !
Ensuite, au niveau de la discipline
en classe, le travail pour se faire respecter et avoir la paix est beaucoup
plus long et difficile pour une femme que pour un homme, principalement (de mon
analyse), par rapport à sa place dans la société. La femme est celle qui reste
à la maison dès qu’un enfant vient au monde (même si les mentalités changent
doucement), et celle qui se doit coûte que coûte respecter son mari, l’Homme de
la maison, quitte à ne pas donner son avis et se taire. Les enfants assistent
quotidiennement à ce type de relations et de comportements et ont donc (surtout
les garçons), une approche de la femme différente de celle des hommes : on
peut se permettre plus, voire reproduire ce que papa fait à la maison ! Le
chemin pour obtenir les mêmes résultats que nos collègues masculins est donc
davantage plus long, mais cela donne aussi la niak et l’envie de se surpasser.
Il m’a fallu aussi beaucoup de temps pour arriver à me caler
sur le profil de mes élèves d’un point de vue culturel au travers de mes cours.
Au début, on pense que certaines choses coulent de source, mais au fil des
cours et des questions, on se rend compte du fossé culturel qui nous sépare.
Expliquer du vocabulaire de base, des expressions usuelles chez nous qui sont
totalement inconnues ici, utiliser leur vocabulaire et leur contexte pour leur
expliquer les choses. C’est un exercice nécessitant beaucoup de ressources pour
ne pas perdre le fil, et surtout beaucoup d’écoute pour apprendre et ne pas refaire
le mêmes erreurs si l’on en commet.
Tout le monde devient donc élève, moi comme
eux. C’est une expérience fascinante et incroyablement enrichissante, qui
pousse et repousse et repousse plus encore mes limites, remettant chaque fois
mes acquis en question et mes compétences à l’épreuve.
Suite au prochain épisode, promis dans peu de temps !
(je poste maintenant, de peur que la Sonabel ne coupe à nouveau le courant et
m’empêche de donner des nouvelles !)
A très vite, et « Vous sortez si vous n’avez pas de
tenue ! »
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