Champs de bananiers fraîchement plantés |
Et là, dring dring !!! Je décroche et Ô Grand
Bonheur ! La voilà au bout du fil, m’annonçant qu’elle est revenue. Nous
convenons donc de nous retrouver le dimanche, pour partir rendre visite à l’une
de ses vieilles amies de l’école lorsqu’elle était encore ici qui est
maintenant ... Bonne sœur dans un monastère à Koubri, une ville à une trentaine
de kilomètres de Ouagadougou.
Hop ! De bon matin, vers 9 :30, nous chevauchons
les motos, Alice (une nouvelle stagiaire), Pauline et moi.
Vroum
vroum !! En route sur cette route toute droite fraîchement goudronnée, le
vent dans les cheveux. Nous dépassons le péage, où les vendeurs nous tendent
des miches de pain et des oranges, puis continuons à travers les immensités
vides de part et d’autre de la route.
Soeur Isabelle et Pauline en grande discussion |
Arrivées au croisement menant vers la brousse profonde au
fin fond de laquelle se trouve le monastère, nous sortons de la ligne droite
pour nous engager dans des chemins à peine tracés au cœur de la forêt qui fait
de l’ombre aux familles qui rentrent de la prière en longues files indiennes, à
pieds ou à vélo et qui nous hèlent au passage, surpris de voir deux blanches
perdues au milieu de nulle part.
Là où le chemin prend fin, nous nous trouvons
face à un modeste monastère, duquel sortent les bonnes sœurs pour nous
accueillir et nous ouvrir leurs portes. Il est maintenant 10 :30.
Papayer du potager du couvent |
Après ce temps familial partagé, Sœur Isabelle vient nous
accueillir et nous nous éloignons dans une petite salle pour parler en toute « intimité ».
Quel phénomène cette Isabelle ! Je n’avais jamais eu à faire à une sœur si
ouverte d’esprit, pleine d’humour et parlant de tout sans être outrée !
Tous les sujets y passent : politique, sexe, relations
amoureuses, souvenirs du lycée, vie au couvent, culture, etc.
La sœur se lève
alors brusquement : vite vite ! Je dois sonner la cloche, c’est l’heure
d’aller prier pour le repas de midi ! Elle nous laisse donc et nous nous
dirigeons tranquillement vers la paroisse, perdue au milieu de cette forêt
verdoyante et ombragée, avec pour seul bruit le piaillement des oiseaux dans
les arbres.
Au moment de passer
la porte de la paroisse, je ne me sens pas très à l’aise : je ne suis pas
croyante et tous les gens qui nous accompagnent sont, eux, très impliqués.
Heureusement qu’il y a Alice qui est tout aussi pratiquante que moi !
Après nous être installés, les soeurs entrent une à une, en faisant le signe de
croix, puis s’agenouillent à terre pour prier le front sur le sol. C’est un
étrange tableau qui nous fait face, mais nous ne perdons pas notre sérieux pour
autant.
Enfin, trois sœurs entrent, armées de leurs Coras (instruments de
musique traditionnels burkinabé qui ont la forme d’une guitare mais se jouent
de face et dont le corps est en fait une calebasse). C’est incroyable de voir
cet instrument au sein d’une église. Je suis stupéfaite mais heureuse que
traditions et religions puissent parfois se retrouver dans ce genre de détails.
La prière commence alors et nous ouvrons tous nos petits
livres où un marque-page a soigneusement été inséré à la bonne page. Je suis
très agréablement surprise au son du chœur des sœurs. Elles chantent super bien !
Nous avions peur de nous ennuyer, mais finalement le voyage s’avère plutôt
intéressant.
Balade au potager |
Il y a aussi un couple, très simple et très discret qui est
assis à nos côtés.
Le repas nous est amené dans une grande marmite qui est
posée sur la table au centre. Un énorme riz gras que je sers abondamment à
toute notre petite communauté (ici on commence par les enfants)... Puis c’est l’heure
de la sieste !
Après un bon roupillon, nous allons acheter du yaourt à la
boutique : Pauline, qui s’avère être un ventre sur pattes, nous achète des
pots familiaux que nous engloutissons sur les marches du couvent.
Après cela,
Isabelle vient nous chercher et nous partons pour la visite du potager...
Et attention ! Ce n’est pas un potager parisien ! Ah non ! Plus
de 250 hectares de rizières, manguiers, bananiers, papayers, citronniers,
pommiers, etc. Et pour se faufiler à travers toute cette verdure, il faut
parfois même escalader des barbelés, ce qui n’est pas une mince affaire pour
une sœur en soutane.
Après avoir soulevé un tronc d’arbre pour nous libérer le
passage, elle nous dit d’escalader, puis de continuer sans nous retourner :
« En tant que sœur, je ne peux tout de même pas vous montrer mes
sous-vêtements ! ».
Quelle crise de fou rire !
Durant toute l’après-midi, les deux filles (Isabelle et
Pauline) nous racontent leur rencontre durant leurs études dans un
établissement pour les sœurs, puis en médecine, avant que l’une décide de
prendre le voile et l’autre décide de se marier avec le « plus beau garçon
de sa classe ». «Tu aurais dû attendre » dit Isabelle « Les
hommes sont trop imprévisibles ! », « Oui, mais c’était quand
même le plus beau de la classe, comment je pouvais faire ? » lui
répond Pauline (elle vient de se séparer de ce même garçon, avec qui elle a eu un petit garçon).
A certains moments, elles nous laissent prendre de l’avance
pour papoter en secret, s’excusant ensuite. Isabelle va même jusqu’à nous dire
qu’il n’est pas du tout facile de tenir le vœu de chasteté, même si elle ne
pourrait jamais passer le pas ! Ahahahahah !
L’après-midi touche déjà à sa fin, et le soleil commence à
saluer le monde pour aller se coucher. Nous étions si bien à nous balader sur
ces chemins de brousse, dans le calme paisible de la campagne.
Il nous est difficile de quitter la famille à laquelle nous
nous sommes attachées le temps d’un après-midi et de laisser Isabelle qui me
fait promettre de revenir passer du temps au couvent.
Nous enfourchons nos motos pour prendre la direction du
monastère des pères (qui se trouve à côté, mais que les sœurs n’ont pas le
droit de voir), afin d’y acheter du... Fromage ! Oui ! L’un des seuls
endroits du Burkina à en produire !! Nous y achetons deux tommes de vache,
et deux de chèvre dont une est destinée au propriétaire de la moto qui nous a
amenée sur place. Ce soir c’est festin !
Sur le chemin du retour, le soleil se couche le long de
notre route. C’est comme si tout ralentissait et que même les camions surchargés
et les bus quittant le Ghana roulaient au pas pour ne pas le déranger.
Les
troupeaux, menés par un vieil homme ou un enfant sur le retour de l’école ou de
la prière, traversent la voie tranquillement. Les femmes, alignées le long du
goudron pour y vendre des arachides, fruits, légumes ou épices en tous genres, commencent
à rattacher leurs bébés dans le dos à l’aide de pagnes colorées. Les
bicyclettes s’alignent et dansent en rythme.
Le chahut commence à revenir, la
voie à se dédoubler ... Nous voilà à nouveaux aux portes de Ouaga.
C’est l’heure
des bises (au milieu d’une intersection) avant de reprendre le chemin de la
maison.
Une énorme tartine de fromage partagée avec les chanceux présents, et
hop ! Au dodo !
No comments:
Post a Comment