Après plusieurs mois d’absence et de mouvements
internationaux, me voilà à nouveau face à l’écran pour vous faire partager un
quotidien d’autre bout du monde. Non non, le palu n'a pas eu raison de moi!!
Après quelques épisodes difficiles pouvant bouleverser une
vie, une petite escapade s’imposait en ce chaud mois de juin.
 |
Notre train en gare d'Abidjan |
Nous voilà donc partis, Clément, un autre expat' perdu au fin
fond de l’Afrique et moi-même pour un voyage inoubliable en plein coeur de l’Afrique
de l’Ouest.
Tout d’abord, remettons un peu d’ordre. Il nous a fallu
passer par la case visas, qui n’est pas la moins ardue des étapes !
Première étape : trouver le « service
passeport » comme ils l’appellent ici. « Le service
quoi ? », « Connais pas ! », étaient les réponses que
nous avons reçu le premier jour en parcourant les rues de Ouaga sur ma moto
après avoir compris plus ou moins dans quelle partie (Gonghin) de la ville il
se trouvait ... Durant ce trajet infernal et interminable que nous voulions
terminer avant la fermeture des administrations burkinabè, l’épisode
« photos d’identité » ... Une prise de bec haute en couleurs avec le
Môsieur des photos, qui veut nous faire payer ... fois le prix réel !!
Ras-le-bol d’être les « blancs de service ». Après être sortis rouges
de fureur et ... sans photos de ce labo, nous enfourchons à nouveau notre
bécane, et essayons d’autres possibilités. Enfin ! C’est fait !
Sous un soleil de plomb, nous trouvons enfin ce satané
service. Mais rien n’est gagné pour autant ! Aurions-nous oublié les
méandres administratives, traces de notre colonialisme occidentalisant à moitié
fait ? Il faut tout d’abord passer par la secrétaire monocorde, comme un
enregistreur rayé, qui répond à toute question par « attendez dehors ! ».
« Mais Madame ... Suis-je au bon service ? » (... silence...)
« attendez dehors ! ». Tout çà, pour que une demi heure plus
tard, on nous apprenne que ... Ce n’est pas le bon service !
Gé-nial !
Allez hop ! C’est reparti ! Ah ... Les bureaux ont
fermé ... « Fallait vous renseigner plus tôt ! »... Nous rentrons donc bredouilles ...
Deuxième étape : Retour le lundi (eh oui, c’était
vendredi !), armés de courage et de volonté !
Et il en fallait ! Lorsque nous pénétrons dans la salle
réservée aux visas, où des grilles séparent les bureaux de l’entrée aux murs
bleus, l’homme en charge de nous recevoir ... A les blancs en horreur, surtout
... S’ils sont français ! C’est bien notre veine ! Nous faisons
d’abord comme si nous ne l’avions pas remarqué, mais les choses s’enveniment vite :
il m’envoie en vadrouille aux 4 coins de la ville pour des photos, pendant
qu’il insulte Clément qui peine à garder son calme, utilisant des termes allant
de « colonisateurs », à « c’est difficile d’obtenir un visa pour
chez vous, donc je vais vous rendre difficile l’obtention du votre ». A
mon retour : « c’est trop tard, nous avons fermé la
caisse ! ».
La moutarde nous monte au nez ! Il faut arrêter de
nous faire tourner en bourrique ! On veut bien passer par certains
préjugés, mais il arrive un moment où il faut arrêter ! Après avoir crié
dans la salle que c’est du racisme (chose à laquelle on me répond
« ahahaha ! ca n’existe pas les racistes noirs ! »), et par
refuser de quitter les lieux sans avoir de garantie d’obtenir les visas avant
notre départ (trois jours plus tard), le chef finit par arriver et me
convaincre de repasser le lendemain, que tout serait arrangé.
Troisième étape : Le mardi ! Après le travail,
nous courons au service pour pouvoir y déposer enfin notre demande. Le
directeur, devant ses collègues, a décidé subitement de prendre la
« défense » de son salarié. Il se met alors à nous aboyer dessus, à
nous dire que nous ne l’aurons pas, que les blancs ne commandent pas, etc.
Au sortir de la salle, où le chargé des passeports ricane
suite à la prise de position de son supérieur, nous voilà face à un
dilemme : suivre le chemin de la « légalité », ou bien faire
marcher notre réseau et passer par la « hérarchie supérieure »... A
vomir ... Obligés de se corrompre, même dans une moindre mesure. Sur les conseils
de Clément, je finis par appeler un ami, fils du Premier Ministre. Il me donne
alors le nom du chef de service, et nous dit de prendre rendez-vous en usant du
nom de sa mère, grande avocate du pays. Gulp ! Nous obéissons et finissons
par obtenir ce rendez-vous.
Pas question de descendre ces deux hurluberlus devant lui, on ne sait jamais qui
serait passé devant. Nous inversons donc la technique, en expliquant que
parfois certaines personnes ne sont pas faites pour s’entendre, mais que cela
n’est pas grave, qu’il faut simplement éviter les conflits, blablabla.
Le lendemain après-midi ... Nos passeports sont là, le visa
accepté. Notre "ami", vert de rage, nous fait attendre tout de même, mais cela nous est égal,
nous savons que ça va !
 |
Abou, la force tranquille |
Quatrième étape : Nous fonçons droit sur la gare de
trains pour obtenir un billet pour ... Le lendemain matin ! A savoir
qu’ici, il faut s’y prendre au moins une à deux semaines à l’avance pour
obtenir un billet dans ce train... Arrivés devant la gare : la voilà
fermée ! Ce tordu de préposé aux passeports le savait, il a fait exprès
... La pluie, torrentielle, se met à tomber.
C’est le pompon ! Je commence
à me taper la tête contre mon guidon, pendant que Clément dit que tout est
fini.
Et là, Ô grande surprise, Abou, grand noir costaud, fait son
apparition. Il travaille en tant que contrôleur pour la compagnie des trains.
Avec un de ses amis présent aussi, ils nous garantissent un ticket pour demain.
Il suffit de venir le matin vers 7 :00, le train démarrant vers
9 :00. Pas de problème, nous n’avons rien à perdre !
La moto refuse de démarrer... Abou, la force tranquille,
comme je le surnomme maintenant, ce qui le fait rire de sa voix profonde et
douce, s’approche de moi. « Doucement, ta moto est gâtée, il faut être
doux, elle a besoin de calme. Regarde. » Il appuie sur la pédale de
démarrage tranquillement, et accélère doucement, la faisant ronfler comme un
bébé. « Voilà, faites attention, avec la pluie vous pourriez vous faire
mal ».
Un ange descendu du ciel (oui oui, on commence à y croire dans ces moments là! ;D) juste pour nous aider au moment où nos
nerfs sont sur le point de lâcher.
Le lendemain matin, 6 :15, le téléphone de Clément
retenti : vite vite ! Il faut venir à la gare, il ne reste que deux
places !! Branle bas de combat, nous voilà sur le pied de guerre !
Impossible de tout mettre sur la moto, Clément emmène ses affaires pour
l’Europe, car il a décidé de décoller depuis Abidjan. Je fonce en moto
pendant qu’il se débrouille de négocier un taxi !
 |
Clément et Karim, nos billets en main! |
A la gare, c’est l’émoi ! Des centaines de personnes et
des milliers de bagages, empilés dans tous les sens, dans un brouhaha
incroyable. Je finis par retrouver Karim, qui m’aide à négocier une place de
parking pour ma moto dans le parking des employés, car pas le choix. Puis, en
dépassant des 10aines de personnes agglutinées les unes sur les autres sur des
bancs, parterres ... Nous nous approchons du comptoir pour récupérer les
tickets. La dame nous les avait bel et bien réservés, on ne s’est pas moqué de
nous, et en plus, ce sont vraiment les derniers ! Ouf ! Une fois nos
billets en mains, c’est le rêve ! Ouiiiiiiiiiiiiiii !! Nous avons
réussi, après toutes ces épreuves !
Nous sommes très entourés pour prendre le train. Lorsque
nous arrivons sur le quai, je demande à Karim « tu sais, hier, nous avons
rencontré un super mec avec toi. La force tranquille. Ce serait tellement bien
de le revoir, nous avons oublié de le remercier ! » « Mais
c’est Abou, il prend le même train que vous, il y est contrôleur, je vous le
présente ! ».
Paf ! Abou apparait, sortant du dernier wagon. Quelle
coïncidence ! Nous promettons de nous retrouver dans le train.
C’est l’heure de grimper, nous nous hissons sur les marches
plus hautes les unes que les autres et arrivons à nos sièges, en première
classe, attention !
Pour ceux qui souhaiteraient effectuer le trajet, un grand
conseil : prenez la première classe si vous voulez dormir et bénéficier
d’un « vrai » siège. La classe ordinaire n’est pas horrible, mais ce
sont des bancs en plastique, assis par 6, et un bruit constant et incroyable
durant 36h de trajet ! Au moins, nous avions un minimum de calme (même si
la super télé dernière génération encadenassée dans un placard en fer a le
volume à fond : ça fait bien ici !), une clim marchant quand elle le
veut, faisant passer les températures de 20 à 40 en quelques minutes et assez
de sécurité pour dormir « tranquillement » !