Comme cela fait un moment, parlons boulot et quotidien!
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Enfants du quartier (Marcoussi) |
A Kamzaka, mon association d’accueil, les choses avancent de
plus en plus. Comme je le dis plus haut dans un de mes articles, je suis
arrivée en pleine crise, le centre ayant perdu un de ses plus gros partenaires
financier. Ce partenaire est tout ce qu’un humanitaire sensé peut
détester : un groupe de bons blancs, (anciens stewards et hôtesses de la
plus grande compagnie aérienne française) décide de donner son argent en
Afrique ... Mais attention ! A la blanche ! On ne vient qu’une fois
par an au centre pour critiquer les locaux et les enfants, on ne s’intéresse
surtout pas à la culture locale (çà les ennuie sûrement), et on ne s’écoute que
soi-même.
Parfait dans l’humanitaire, où l’interculturalité prend toute sa
dimension !
Quand le centre demande certains moyens pour arriver à remplir
les tâches de la convention, on lui demande de se débrouiller, tout en refusant
les délais trop longs ... Pourtant, internet hors des cybers ici, ben, ca coûte
un bras ! Et ils ne demandent qu’une clé internet pour tout le centre
(10 000 FCFA soit 15 euros par mois) pour atteindre des objectifs monstres
imposés par ce partenaire. Bref, comme nos amis les stewards n’aiment pas ça,
ils décident de rompre la convention du jour au lendemain, fin février, après
que tous les budgets de tous les autres partenaires potentiels soient clos
puisque cela se fait en janvier ... Et la convention stipule que cela doit être
fait avant la fin du mois de novembre qui précède... On s’en fout, c’est que
des gosses des rues, on est déjà sympas de les aider !!
Arghhhhhhhhhhhhhh !
Je suis donc arrivée au milieu de ce remue-ménage avec ma
toute petite petite formation.
Voilà donc plusieurs mois que je suis plongée dans le
dossier, et que mon poste de recherche de partenaires financiers et techniques
prend toute sa dimension. Envoi de dossiers de demandes de subventions dans
tous les coins, appels d’offres à gogo, rendez-vous dans tous les bureaux des
grosses ONG, de l’ONU et de l’UE et dans les ministères.
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Hyacinthe |
Il m’a aussi fallu élaborer un budget par enfant pour faire
des demandes au niveau des différents partenaires nous ayant confié des
enfants. Chacun doit mettre la main à la patte à la hauteur de ses finances qui
ne sont pas au top avec la crise de l’euro qui a un impact très important au
niveau local, s’ajoutant à la crise malienne qui a cassé les finances du pays
et de la population.
De bureau en bureau, de courbette en courbette, de sourire
en sourire, les portes s’ouvrent, les solutions se dessinent : nous avons
eu un don en nourriture impressionnant dans le cadre de la Semaine des
Solidarités de la part de la Société Générale (oui oui la banque !...),
notre dossier à l’Unicef est en bonne voie, les partenaires nous prêtent main
forte en participant au cas par cas pour chaque enfant placé chez nous en
fonction du budget que nous leur avons fourni ... Chacun donne un peu, même si
tous les budgets sont serrés. Je vous assure, la solidarité existe
encore !
Nous avons aussi pris la décision de remettre tous les
enfants dans leurs familles durant la période des vacances pour soulager les
finances du centre, mais aussi et surtout, puisque c’est le moto de la
structure, pour leur permettre un renouement familial essentiel à leur
reconstruction et à leur avenir, puisque notre but est la négociation familiale
puis la réinsertion. Les jeunes sont ravis et se préparent déjà. Certains
seront réinsérés définitivement et feront leur rentrée scolaire auprès des
leurs, d’autres dont les cas sont beaucoup plus compliqués (nous n’avons pas
retrouvé la famille, ou bien ils sont orphelins ou encore handicapés et
nécessitent un accompagnement spécialisé) reviendront en septembre pour
réattaquer l’année.
Les jeunes accueillis au centre ont tous une histoire à
faire frissonner, et pourtant ils sont là, malgré tout, à lutter pour leur
futur, à essayer de comprendre des mécanismes familiaux, psychologiques,
sociaux, hors de la portée de quelqu’un de leur âge. Beaucoup de questions sur
leur passé, mais plus particulièrement sur la cause. Pourquoi mes parents
ont-ils fait ca ? Suis-je prêt à leur pardonner ? A revenir en famille ?
Pourquoi dois-je me construire un avenir, si de toutes manières il n’y en avait
déjà pas au départ ? Pourquoi étudier si de toute façon, on ne me laissera
aucune chance puisque je ne suis rien dans la société ?

Parfois, certains décident de repartir dans la rue, sur un
coup de tête, parce que quoiqu’on en dise, même s’ils paraissent bien plus que
leur âge, ils restent des enfants, capables de prendre des décisions
irrationnelles, à un moment donné. Depuis mon arrivée, 2 enfants sont partis
sans revenir. L’un est à nouveau dans la rue, bien que surveillé de loin, l’autre
a été récupéré et sera replacé dans sa famille par l’un de nos partenaires dans
les semaines à venir. Les raisons ? Pour l’un, la finale de la Coupe d’Afrique
en février, et le retour des Etalons (l’équipe du Burkina) à Ouaga : il
voulait les voir et s’est à nouveau fait happer par son ancienne vie. Pour l’autre,
le FESPACO (Festival du Film Africain dont Ouaga est la capitale et qui se
déroule tous les deux ans ici, un peu comme Cannes pour vous faire une idée) :
il voulait voir les acteurs de ses yeux et n’est pas revenu...
Malgré tout, beaucoup de réussites au tableau : les 6
enfants de CM2 inscrits au CEP (Certificat d’Etudes Primaires) qui permet de
passer en 6ème (un examen aussi difficile voire plus que le BEPC de fin
de 3ème) ont réussi l’examen avec brio et seront donc admis l’an
prochain au collège. Et tous sauf un passent au niveau supérieur pour l’année
qui vient. L’un des plus vieux (23 ans), quant à lui, termine sa formation en
froid et climatisation dans quelques semaines et le don spontané de la part du
village en Allemagne d’une de mes amies (merci Christiane et merci à ta soeur !)
va nous permettre de financer son installation : il va travailler et
habiter seul, l’indépendance !
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Sortie à Bangr Weogo, le repas de rois |
Parfois, les choses dérapent et la rue refait surface :
deux des enfants ayant réussi leur examen de CEP ont été invités la semaine
passée à un mariage dans le quartier par des camarades de classe. On leur a
payé à manger, à boire, etc. Au moment de repartir au centre, ils sortent et
trouvent la voiture de la mariée ouverte... Son sac à main sur la banquette.
Sans réfléchir aux conséquences, les voilà partis avec le sac : ils y ont
volé ses deux portables et 5000 F (ce qui est une somme très importante ici !),
laissant le sac abandonné dans un 6 mètres (on appelle comme ca les rues ici).
Mais une vieille femme les a vus et a averti les gens du mariage ... 50
personnes ou plus ont donc débarqué au centre, bâtons, barres de fer à la main,
hurlant qu’ils vont brûler le centre, surexcités. L’éducateur présent, ne
comprenant pas toute la situation et cherchant à protéger les enfants, s’est
donc interposé entre les protestataires et les enfants, tentant de calmer les
esprits et d’éviter la catastrophe : ici, si tu voles et qu’on te trouve,
on te frappe jusqu’à te tuer, que tu sois mineur ou majeur... C’est lui qu’ils
ont donc pris pour cible, le frappant au visage. Heureusement, un homme plus
calme que les autres a réussi à calmer l’assemblée. Les enfants, qui avaient
confié les portables à un troisième, se sont finalement résignés à les rendre,
se rendant compte de la situation... un peu tard ! Les 5000F, quant à eux,
avaient disparu et les éducateurs se sont cotisés pour les rendre, jurant que
cela venait des enfants. Ouf ! Ils ont fini par repartir, et les choses
ont pu être réglées au sein du centre sans dégâts. Afin de leur faire prendre
conscience de la gravité de leur acte, les éducateurs ont décidé de demander à
leurs familles respectives de payer 2500F chacune pour rembourser. La honte
face à la famille qui doit subir leurs actes alors qu’ils savent pertinemment
leur situation financière leur sert de leçon. A voir !
Bref, rien n’est facile, rien n’est gagné, mais l’espoir est
toujours là et avec beaucoup de patience et de courage, les choses avancent et
les comportements changent.
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Adiara, éducatrice |
Il y a deux semaines, malgré le manque de fonds, j’ai remué
les troupes et créé un budget pour une sortie au parc Bangr Weogo (le plus
grand parc de la ville, une forêt de brousse en ville !). Il a été accepté
par un de nos partenaires, et nous avons pu y emmener les enfants pour un
pique-nique géant sous les arbres, avec riz gras, boissons gazeuses (« sucreries »
ici ^^) et poulet (un met extrêmement rare dans les assiettes burkinabè car
extrêmement cher). On a chanté, joué de la musique, fait des jeux de groupe, et
une belle ballade. Bref, de bons souvenirs et des enfants ravis ! Ca
remonte le moral et donne la pêche pour avancer !
Niveau projets, nous avons de nombreux dossiers en cours, et
je tente de m’activer rapidement pour avoir tout terminé avant la fin de mon
stage ! Pour faire court : construction d’un dispensaire pour les
enfants et les habitants du quartier avec laboratoire, dépôt pharmaceutique et
salle de soins et construction d’un centre de formation de football et centre
culturel parmi d’autres. Je bosse dur pour tout réussir, mais c’est vraiment
difficile quand on est livré à soi-même pour élaborer un projet de A à Z.
Visites, rendez-vous administratifs, recherches à la mairie et la bibliothèque
... C’est très formateur mais plutôt stressant parfois.
Au quotidien, tout se passe bien, et je m’organise plutôt
comme je veux même s’il y a beaucoup de boulot ! Matin : 9 :30-12 :30
et après-midi : 13 :00-16/17 :00 avec repas de midi avec les
enfants au réfectoire. Ils se sont vraiment habitués à moi et moi à eux, c’est
comme une grande famille, avec les sessions jeux après-manger (dames et Uno) et
la série « Daniela », série à l’eau de rose sud américaine autorisée
par la Commission de contrôle du gouvernement du Burkina Faso.

Sinon, pour ce qui est du transport, depuis que j’ai la
moto, les trajets se font vraiment plus faciles et le temps s’est raccourci ce
qui me permet de faire plein de choses en plus sans penser à comment je vais
trouver un taxi ou quelqu’un pour me ramener. Surtout n’ayez pas peur, je me
débrouille très bien et j’ai appris le fonctionnement des vitesses et tutti
quanti très rapidement ! Il faut s’habituer à chaque engin sur lequel on
monte, mais dans l’ensemble je suis plutôt fière de moi. Parfois quelques
petites frayeurs, mais aucun incident majeur à déclarer. Petite anecdote
rigolote : j’ai failli me faire renverser par ... Une marmite !!
hier
matin. Je roulais tranquillement sur le goudron en centre-ville et je m’apprêtais
à doubler (par la droite, c’est comme ca ici !) un taxi-moto (moto à trois
roues) qui circulait avec son immense tas de marmites habituel (on se demande
toujours comment ca peut tenir ...), mais là, l’une d’entre elles à décidé de
se lancer à l’aventure et a dévalé le tas pour rebondir avec fracas sur la
route et traverser jusqu’au bord. J’ai à peine eu le temps de freiner et de
faire un dérapage pour l’éviter, et elle m’a frôlé la jambe de justesse. Ouf !
Quelques mètres avant et c’était ma tête qui amortissait sa chute ! Plus
de peur que de mal, et des moqueries de la part de mes amis qui m’assurent que
cela ne peut arriver qu’à moi ... Merci les copains ! :D
Voili voilou pour aujourd’hui, à très très bientôt pour
raconter mes aventures à Nazinga, et ... le paludisme qui m’a poussée aux
portes de la mort...
Nindiaré ! (à plus tard !)