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Friday, January 17, 2014

Noël et Nouvel An burkinabé, les fêtes au pays des hommes intègres

Un petit petit article pour vous raconter un Noël et un Réveillon 2013 au Burkina.


Premier élément : il fait chaud ! Eheheh ! Un Noël sous la chaleur (même si les nuits sont fraîches), c’est tout de suite un Nöel pas comme les autres pour une occidentale. 
Sinon, ici, le 24 n’est pas le jour le plus important. C’est essentiellement le 25, voire le 26. Nous avions tout de même organisé un petit barbecue accompagné de crêpes (oui oui ! on a dégoté de la farine, des œufs, du lait et une poêle !), et de crumbles aux bananes cuits à la poêle, car ici les fours sont réservés à une certaine catégorie de la population. 

Alice, la nouvelle stagiaire, avait même ramené du Pastis de Marseille dans ses bagages, que nous avons siroté pendant la préparation du repas. Un super festin, accompagné d’alocos ( sortes de bananes frites comme les frites) et de frites avec un bon morceau de boeuf, du poisson et des crudités. De quoi bien se remplir la panse !

Le lendemain, 25 décembre, c’est le jour où l’on fait le tour des familles et des amis. Une longue balade gustative à travers toute la ville : j’ai dû faire pas loin de 8 cours où à chaque fois, nous avions droit à boire et à manger. Il faut tenir le rythme, et c’est pas si facile !
Le soir, ca continue ! Nous sommes sortis boire des Brakinas (bière locale), puis nous sommes allés ennuyé Seni, qui travaille toute la nuit dans un casino, pour rentrer enfin à la maison aux alentours de 4h du matin. Quelle épopée !

Et attention, il ne reste ensuite que 5/6 jours pour récupérer de l’espace stomacal avant de recommencer cette danse des plats. Ce n’est pas si éloigné de chez nous au final ! Pas de chocolats, de boules de neige ou de foie gras, mais du riz, des alocos, frites, crudités, du poisson, de la viande (boeuf, mouton ou poulet), du maïs soufflé (salé) et des gâteaux frits (petites boules de pâte sucrées qui sont plongées dans l’huile) qui ne se trouvent qu’à cette période.

Ces moments sont vraiment des instants de partage. La famille t’ouvre sa porte et t’offre à manger, chacun prenant le temps de s’arrêter un instant pour échanger. On se sent toujours à l’aise. Jamais de mises à l’écart, de regards biaiseux. 

Est-ce parce que je commence à m’acculturer au point de ne plus le remarquer ? En tout cas, je me sens comme à la maison, pourtant physiquement si loin.

Passer les fêtes loin des siens n’est pas toujours facile, on aimerait qu’ils soient là. Mais ici, ces moments n’ont pas amené la nostalgie qu’ils pourraient entraîner. Je me suis simplement sentie entourée, choyée, écoutée, dans chaque cour que j’ai pu visiter.

Nous avons fini dans la « grande famille » (c’est-à-dire la cour où vit la plus grande partie de la famille) de Nadège, ma meilleure amie burkinabé, à papoter gaiement sur des tabourets autour d’un plat de friandises (ces petits gâteaux et le maïs soufflé).

Le Nouvel An est aussi un moment très festif ! Le 31 au soir, les amis sortent ensemble pour aller boire et manger, et le 1er est réservé à la famille et au tour (à nouveau) des différentes cours.
Pour le 31, la soirée s’est déroulée chez des amis de Paspanga (un quartier de Ouaga) qui ont transformé leur cour en piste de danse (le salon d’une des maisons) et en lieu de réception : des canapés et des chaises ainsi que toutes les tables des voisins et des caisses de Brakina formaient des coins où chaque groupe d’ami pouvait s’asseoir et discuter tranquillement au son de la musique reggae, traditionnelle ou encore coupé-décalée.
A l’heure dite, nous avons pris la moto avec Nadège et Alice pour aller faire la surprise à Seni (qui, vous le comprendrez, représente beaucoup pour moi ;-) )et Urbain qui travaillaient une fois de plus ce jour là.
Bonne Année !! Que 2014 soit meilleure que 2013, tout le meilleur, santé, prospérité et bonheur. Que du positif, sauf le virus du Sida ! (Oui, oui, c’est comme ça qu’ils le disent !)

Le lendemain, journée à moto, entourés des amis burkinabé pour faire le tour de la ville à nouveau. Pas moins de 6/8 cours. Nous sommes même passés chez le maire de Ouagadougou ! (chut !)
C’est à 10 motos que nous nous déplacions, faisant remuer la poussière, klaxonnant et riant. 
Un super bon moment entre potes qui fait oublier tous les soucis et rappelle pourquoi nous sommes ensemble, tous, ici et maintenant. On verra de quoi demain est fait, mais aujourd’hui, mangeons ! buvons ! rions ! jouons !

Après tous ces moments partagés, toutes les expériences que ce pays m’a offert, toutes ces personnes inoubliables qui ont traversé mon chemin, je ne peux que m’y sentir de plus en plus « chez moi ». Je reste citoyenne du monde, fidèle voyageuse, mais ne refuse pas de poser mes valises ici pour plus longtemps que prévu, quitte à voyager depuis Ouaga plutôt qu’un autre aéroport dans le monde. 

On ne sait jamais ce que la vie nous réserve, mais je suis très heureuse de commencer cette nouvelle année ici, intégrée dans une culture qui garde toujours une place pour l’étranger, pour la découverte, vers l’Autre, qu’il soit effrayant, attirant, étrange ou tout simplement vu comme un être humain comme les autres.

Il ne faut pas oublier : dans un pays où le niveau de vie reste l’un des plus bas au monde, même si chacun cherche à survivre, la compassion, le partage et l’ouverture continuent d’avoir leur place, même si le capitalisme, venu d’Asie ou d’Europe, tente de les effacer.

Cette année a été pour moi l’une des plus éprouvantes mais aussi des plus enrichissantes de ma vie. Et tout cela dans la chaleur, climatique et humaine, la lumière, d’esprit et solaire, et la couleur, rouge des pistes ou verte des manguiers du Burkina Faso. Merci à ce pays et tous les gens que j’y ai rencontré pour ce que vous m’avez aidé à traverser, à découvrir, à affronter cette année. 
On se voit en 2014 !


Un dimanche au monastère de Koubri

Champs de bananiers fraîchement plantés
La semaine dernière, je reçois un appel de Pauline. Pour faire court, Pauline est une fille burkinabé que j’ai eu la chance de connaître dans l’avion lors de mon « retour » en France en août. Depuis, nous avions pu correspondre seulement par mails, car elle étudie la médecine en France et que pour ma part je suis revenue à Ouagadougou.

Et là, dring dring !!! Je décroche et Ô Grand Bonheur ! La voilà au bout du fil, m’annonçant qu’elle est revenue. Nous convenons donc de nous retrouver le dimanche, pour partir rendre visite à l’une de ses vieilles amies de l’école lorsqu’elle était encore ici qui est maintenant ... Bonne sœur dans un monastère à Koubri, une ville à une trentaine de kilomètres de Ouagadougou.

Hop ! De bon matin, vers 9 :30, nous chevauchons les motos, Alice (une nouvelle stagiaire), Pauline et moi. 
Vroum vroum !! En route sur cette route toute droite fraîchement goudronnée, le vent dans les cheveux. Nous dépassons le péage, où les vendeurs nous tendent des miches de pain et des oranges, puis continuons à travers les immensités vides de part et d’autre de la route.
Soeur Isabelle et Pauline en grande discussion
Des camions, débordant de marchandises faisant deux fois leur taille et leur poids au sommet desquels sont assis, placides, des hommes tenant leur vélo. Les taxis brousse et les bus partant pour le Ghana, bondés, suivent aussi gaiement notre trajectoire.

Arrivées au croisement menant vers la brousse profonde au fin fond de laquelle se trouve le monastère, nous sortons de la ligne droite pour nous engager dans des chemins à peine tracés au cœur de la forêt qui fait de l’ombre aux familles qui rentrent de la prière en longues files indiennes, à pieds ou à vélo et qui nous hèlent au passage, surpris de voir deux blanches perdues au milieu de nulle part. 
Là où le chemin prend fin, nous nous trouvons face à un modeste monastère, duquel sortent les bonnes sœurs pour nous accueillir et nous ouvrir leurs portes. Il est maintenant 10 :30.

Papayer du potager du couvent
Comme Isabelle était occupée, nous sommes réunis par d’autres sœurs dans une salle avec une famille burkinabé qui nous intègre comme si nous faisions partie de la famille. Pour nous accueillir, un plateau rempli de pots de yaourt est posé au centre de la table : ici, au couvent de Koubri, les sœurs font elles-mêmes depuis maintenant 50 ans le yaourt qui est vendu dans toute la région. Un délice ! Lorsqu’on ouvre le pot, on arrive au fond sans même s’en rendre compte.

Après ce temps familial partagé, Sœur Isabelle vient nous accueillir et nous nous éloignons dans une petite salle pour parler en toute « intimité ». Quel phénomène cette Isabelle ! Je n’avais jamais eu à faire à une sœur si ouverte d’esprit, pleine d’humour et parlant de tout sans être outrée !
Tous les sujets y passent : politique, sexe, relations amoureuses, souvenirs du lycée, vie au couvent, culture, etc. 

La sœur se lève alors brusquement : vite vite ! Je dois sonner la cloche, c’est l’heure d’aller prier pour le repas de midi ! Elle nous laisse donc et nous nous dirigeons tranquillement vers la paroisse, perdue au milieu de cette forêt verdoyante et ombragée, avec pour seul bruit le piaillement des oiseaux dans les arbres.
Pauline en grande négociation
Au moment de passer la porte de la paroisse, je ne me sens pas très à l’aise : je ne suis pas croyante et tous les gens qui nous accompagnent sont, eux, très impliqués. Heureusement qu’il y a Alice qui est tout aussi pratiquante que moi ! Après nous être installés, les soeurs entrent une à une, en faisant le signe de croix, puis s’agenouillent à terre pour prier le front sur le sol. C’est un étrange tableau qui nous fait face, mais nous ne perdons pas notre sérieux pour autant. 

Enfin, trois sœurs entrent, armées de leurs Coras (instruments de musique traditionnels burkinabé qui ont la forme d’une guitare mais se jouent de face et dont le corps est en fait une calebasse). C’est incroyable de voir cet instrument au sein d’une église. Je suis stupéfaite mais heureuse que traditions et religions puissent parfois se retrouver dans ce genre de détails.

La prière commence alors et nous ouvrons tous nos petits livres où un marque-page a soigneusement été inséré à la bonne page. Je suis très agréablement surprise au son du chœur des sœurs. Elles chantent super bien ! Nous avions peur de nous ennuyer, mais finalement le voyage s’avère plutôt intéressant.

Balade au potager
Après cela, nous nous dirigeons vers la salle commune accompagnées de la grande famille. Ils sont venus des quatre coins du monde pour les funérailles d’un oncle/père qui a été enterré au couvent. Ils sont 8 (ou 9), avec deux jeunes filles venues des Etats-Unis, leur oncle, une tante enceinte très bavarde, une autre très maternelle et trois enfants qui jouent, trottent et rient dans nos pattes. Certains ne se sont pas vus depuis plusieurs années et les discussions sont animées !
Il y a aussi un couple, très simple et très discret qui est assis à nos côtés.

Le repas nous est amené dans une grande marmite qui est posée sur la table au centre. Un énorme riz gras que je sers abondamment à toute notre petite communauté (ici on commence par les enfants)... Puis c’est l’heure de la sieste !

Après un bon roupillon, nous allons acheter du yaourt à la boutique : Pauline, qui s’avère être un ventre sur pattes, nous achète des pots familiaux que nous engloutissons sur les marches du couvent. 

Après cela, Isabelle vient nous chercher et nous partons pour la visite du potager... Et attention ! Ce n’est pas un potager parisien ! Ah non ! Plus de 250 hectares de rizières, manguiers, bananiers, papayers, citronniers, pommiers, etc. Et pour se faufiler à travers toute cette verdure, il faut parfois même escalader des barbelés, ce qui n’est pas une mince affaire pour une sœur en soutane. 
Après avoir soulevé un tronc d’arbre pour nous libérer le passage, elle nous dit d’escalader, puis de continuer sans nous retourner : 
« En tant que sœur, je ne peux tout de même pas vous montrer mes sous-vêtements ! ». 
Quelle crise de fou rire !

Durant toute l’après-midi, les deux filles (Isabelle et Pauline) nous racontent leur rencontre durant leurs études dans un établissement pour les sœurs, puis en médecine, avant que l’une décide de prendre le voile et l’autre décide de se marier avec le « plus beau garçon de sa classe ». «Tu aurais dû attendre » dit Isabelle « Les hommes sont trop imprévisibles ! », « Oui, mais c’était quand même le plus beau de la classe, comment je pouvais faire ? » lui répond Pauline (elle vient de se séparer de ce même garçon, avec qui elle a eu un petit garçon). 
A certains moments, elles nous laissent prendre de l’avance pour papoter en secret, s’excusant ensuite. Isabelle va même jusqu’à nous dire qu’il n’est pas du tout facile de tenir le vœu de chasteté, même si elle ne pourrait jamais passer le pas ! Ahahahahah !
Le potager

L’après-midi touche déjà à sa fin, et le soleil commence à saluer le monde pour aller se coucher. Nous étions si bien à nous balader sur ces chemins de brousse, dans le calme paisible de la campagne.
Il nous est difficile de quitter la famille à laquelle nous nous sommes attachées le temps d’un après-midi et de laisser Isabelle qui me fait promettre de revenir passer du temps au couvent.

Nous enfourchons nos motos pour prendre la direction du monastère des pères (qui se trouve à côté, mais que les sœurs n’ont pas le droit de voir), afin d’y acheter du... Fromage ! Oui ! L’un des seuls endroits du Burkina à en produire !! Nous y achetons deux tommes de vache, et deux de chèvre dont une est destinée au propriétaire de la moto qui nous a amenée sur place. Ce soir c’est festin !

Sur le chemin du retour, le soleil se couche le long de notre route. C’est comme si tout ralentissait et que même les camions surchargés et les bus quittant le Ghana roulaient au pas pour ne pas le déranger. 
Les troupeaux, menés par un vieil homme ou un enfant sur le retour de l’école ou de la prière, traversent la voie tranquillement. Les femmes, alignées le long du goudron pour y vendre des arachides, fruits, légumes ou épices en tous genres, commencent à rattacher leurs bébés dans le dos à l’aide de pagnes colorées. Les bicyclettes s’alignent et dansent en rythme. 

Le chahut commence à revenir, la voie à se dédoubler ... Nous voilà à nouveaux aux portes de Ouaga. 
C’est l’heure des bises (au milieu d’une intersection) avant de reprendre le chemin de la maison. 

Une énorme tartine de fromage partagée avec les chanceux présents, et hop ! Au dodo !